Posté 24 février 2022 - 11:47
Il n'y avait pas "moyen de faire un accord" et de reconnaître quoi que ce soit, puisque ce n'est pas ce qui est souhaité par le principal intéressé et que ça ne l'a jamais été.
Personnellement, je ne joue pas le doctorant en géostratégie comme le font tous les experts généralistes du monde entier sur Twitter. Il faut rester modeste, un minimum.
Je ne m'appuie que sur deux choses que je pense pouvoir dire sur cette question éminemment complexe : nous raisonnons en citoyens des démocraties occidentales d'après-guerre. Un ami russe m'a toujours expliqué que nous n'avons pas le même logiciel de pensée, la même conception de l'Histoire du XXème siècle, de ce que sont un État, un peuple, une démocratie.
Il y a en Russie ce que l'on peut appeler vulgairement un "pacte social" : les citoyens se soumettent à la puissance de l'Etat, pourvu que celui-ci leur foute la paix dans leur intimité en contrepartie. L'enjeu sera de savoir de quelle manière le peuple russe appréhendera cette invasion, s'il suivra massivement ou s'il considérera que le pacte est rompu parce qu'une guerre les bouscule dans leur réalité, même si j'ai bien peur de connaître d'avance la réponse.
L'autre élément sur lequel j'ose m'avancer, c'est que cet épisode déjà très grave nourrit l'appréhension strictement belliqueuse des rapports humains que défend chez nous un Zemmour, qui répète souvent que la paix est l'anomalie et la guerre la nature de l'Homme. Ce qui paraît insupportable pour l'Occidental de 2022. Poutine, parce qu'il n'est pas un Occidental de 2022, "joue à la guerre", c'est un viril, un homme construit dans le rapport de force comme seul pivot du rapport à l'autre.
Nous vivons dans deux temporalités différentes avec la Russie : eux restent rudement traumatisés par les guerres du XXème siècle quand l'Occident s'est reconstruit, triomphant, sur la fameuse thèse de "la fin de l'Histoire" de Fukuyama et pense encore que la diplomatie fonctionnera ad vitam aeternam et que le "no boots on the ground" est un argument valable et suffisant pour calmer des autocrates qui ne jurent que par la virilité, la guerre et le concours de bite.
Et ce n'est que le début, la Chine s'est empressée, après l'attaque en Ukraine, de rappeler que la réunification de la Chine, en parlant explicitement de Taïwan, se ferait quoi qu'il arrive.
La diplomatie occidentale, les condamnations morales, les amendes et les panpan cuculs risquent de vite apparaître désuets.
"Hé camarade, si les jeux sont faits, au son des mascarades on pourra toujours se marrer !"