Johan Duhaupas est un peu le Rocky Balboa français. Inconnu du grand public, il est pourtant, probablement, l’un de nos seuls boxeurs qui soit connu et surtout respecté outre-Atlantique, ce qui n’est pas rien.
Une carrière sous les radars à combattre dans des endroits souvent improbables pour des bourses dérisoires, jusqu’à ce qu’une première victoire significative, puis une autre, suivies d’un heureux concours de circonstances, ne l’amènent à connaitre son heure de gloire.
Ce premier combat significatif, c’est celui contre Manuel Charr, bon boxeur européen qui sera plus tard challenger de Klitschko pour une ceinture mondiale. Johan est alors détenteur d’un titre européen secondaire mais surtout, grâce à cette victoire, il fait un bond au classement mondial.
Le combat qui changera la carrière de Duhaupas, ne sera pas une victoire. Il arrive 5 mois plus tard, en Septembre 2015. Il a alors 34 ans : cela fait déjà plus de dix ans qu’il arpente les rings en quête, ou en attente, de ce moment. Moment qu’un grand nombre de boxeurs, connus ou non, ne connaîtront jamais.
Il s’agit d’une chance mondiale face à la terreur de la boxe poids lourds, l’Américain Deontay Wilder, 34 combats, 34 victoires, 33 KO. Un puncheur phénoménal face auquel Johan est supposé tenir 2 ou 3 rounds grand max. À l’arrivée il en fera 11, ce qui fait encore aujourd’hui de lui l’adversaire le plus coriace qu’ait affronté Wilder hormis le Cubain Ortiz et bien sûr Fury (qui lui, est le seul à l’avoir battu).
Johan gagne le respect du public américain et de la boxe mondiale avec ce combat. Mais pas beaucoup d’argent (on parle d’environ 150.000 dollars, à comparer avec les 250.000 que touche Yoka pour allonger des types d’un tout autre niveau dans des combats sans enjeu autre que le faire briller).
Sa plus grande victoire, il la décrochera au printemps 2016, en Finlande, face au champion d’Europe et idole locale Robert Hellenius, qu’il mettra KO. Il deviendra à son tour une star là bas (!) et y disputera quelques combats. Hellenius a lui, su rebondir après ce qui fût pour lui un échec cuisant. Il sévit toujours sur les rings, restant sur deux victoires convaincantes face à l’ex-prospect (surcôté) Kownacki. Il n'est pas un combattant d’élite, mais un poids lourds très crédible navigant autour du top 15-20.
Duhaupas entre alors dans le top 15 mondial. C’est le pic de sa carrière, son "prime". En France, il demeure complètement inconnu.
Autre combat notable, et autre défaite, face au russe Povetkin, en Décembre de la même année. Povetkin qui a pris sa retraite il y a peu, a été très longtemps un top 10, potentiel champion du monde. Gros puncheur, très bon technicien, il ne compte alors qu’une seule défaite en 30 combats, contre Klitschko.
Johan est venu en Russie pour négocier un autre combat à venir. L’adversaire de Povetkin se retirant, notre Rocky se voit proposer le combat au dernier moment, peut-être même la veille de celui-ci, dans sa chambre d'hôtel. Une image restera : celle de Duhaupas sur le ring équipé de chaussures de footing et d’un short de ceux qu’on achète dans les magasins de sport quand on débute la boxe. Mal préparé, et même pas préparé du tout, il perdra par KO face à un adversaire dopé (ce qui sera presque une constante dans sa carrière).
Le grand public français fera finalement connaissance avec son Rocky Balboa en Septembre 2020, à l’occasion de son combat face à l’étoile montante Tony Yoka. A cette époque il a combattu 2 rounds en 3 ans, il a 39 ans et Yoka 28. Autant dire qu’il n’a pas forcément les faveurs des pronos, mais on l’imagine être un test solide pour notre futur champion .
L’issue du combat sera terrible pour Duhaupas puisqu’elle se confond avec son début : pris à froid par un aversaire ultra agressif il sera mis au sol, puis KO, après 1 minute 30 de combat. Le duel franco-français a fait pshiit et "on" parlera bien sûr de combat truqué, de vigile de boîte de nuit, etc.
Les deux combats qui suivront, dont celui de ce week-end, resteront anecdotiques.
Toute la beauté et l’ingratitude de la boxe résumées en une carrière.
On voit des boxeurs continuer après 40 ans. Ce n'est pas courant, mais pas si rare, spécialement chez les poids lourds. Johan Duhaupas a commencé la boxe assez tard, à 18 ou 19 ans, un âge où logiquement on acquiert déjà moins vite les automatismes (voir les boxeurs qu'on a vu briller dernièrement : Bivol, Stevenson, et même Benavidez sont sur les rings depuis leur enfance). Il est originaire d'Abbeville, et n'a jamais eu un entourage de très haut niveau. Sa qualité première était son grand courage. Bien sûr il en avait d'autres, mais pas de "don du ciel" type Wilder ou de grosse machine promotionnelle type Joshua (pour citer deux boxeurs ayant atteint les sommets tout en ayant débuté assez tard).
Passés les 40 ans, et même avant, il devient difficile et très risqué pour ce genre de boxeurs "moyens" de continuer. Alors qu'un habile technicien stratège (type Klitschko ou Fury) a la capacité d'éviter les gros coups; et qu'un puncheur lui, a les moyens d'écourter les combats et donc d'en prendre moins également (Foreman).