Tribunal La cour d'appel de Versailles a contraint hier GE Medical Systems à traduire en français les documents techniques destinés à ses salariés.
RETOUR en force de la langue de Molière à Buc, dans les Yvelines. Toute proche de Versailles, cette petite commune sans histoire de près de 6 000 âmes tenait jusqu'ici ses heures de gloire des bons résultats de son prestigieux lycée franco-allemand. Unique en France, il attire depuis 1979 les élèves les plus brillants de la région, ceux à qui les parents veulent offrir une éducation bilingue.
Paradoxalement, c'est encore à cause de langues que Buc fait à nouveau parler d'elle. C'est d'anglais cette fois qu'il est question. Installée à Buc, la société GE Medical Systems SCS (GEMS), 1 500 personnes de quarante-cinq nationalités différentes, va devoir changer ses pratiques linguistiques. Hier, la direction ne cachait pas sa déception.
Car hier, la première chambre civile de la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement du tribunal de la même ville qui avait déjà condamné le 11 décembre 2005 la société GE Medical Systems SCS (GEMS) à fournir des versions françaises des documents qu'elle donnait à ses salariés.
Spécialisée dans la production et la maintenance de matériel d'imagerie médicale de haute technicité, GE Medical Systems, qui fait partie du groupe international General Electric, était poursuivie par les représentants du personnel à qui le tout-anglais pratiqué dans l'entreprise donnait de l'urticaire.
En première instance, le tribunal de Versailles leur avait donné raison. Il avait déjà fait obligation à la société de mettre «sans délai» à la disposition du personnel une version française de tous ses logiciels informatiques et des documents relatifs à la formation du personnel à l'hygiène et à la sécurité. La société avait fait appel du jugement. Hier, la cour a également condamné GE Medical Systems à payer au comité d'entreprise, au comité d'hygiène et de sécurité et au syndicat CGT, qui avaient accusé l'entreprise, la somme de 580 000 euros. Enfin, la cour fixe à 20 000 euros par document la pénalité de retard pour les traductions non fournies passé un délai de trois mois après la signification de l'arrêt. «Mais, depuis quelques semaines déjà, dans l'entreprise, on traduit tous azimuts», confie un représentant du personnel. Exit les notices techniques ou les consignes rédigées en anglais. «Nous n'avions pas attendu le jugement pour traduire l'ensemble des supports et documents afin d'assurer la sécurité des salariés, celle de leurs clients et des patients», assure la direction.
Soulagement pour les salariés
Jocelyne Chabert, secrétaire trilingue, déléguée syndicale CGT, est en tout cas soulagée. «Les salariés réclament depuis des années que cette société se conforme à la législation sur l'usage du français dans l'entreprise. Car les lacunes en anglais de certains employés les fragilisent, les stressent, les empêchent de poursuivre leurs missions dans les meilleures conditions.» Autrement dit, connaître des hésitations dans la langue de Shakespeare constituerait aussi un coup de frein à la carrière. En tout cas, cette condamnation est une première interprétation de la loi n° 94-665, dite «loi Toubon» (cf. encadré), relative à la langue française et à son application dans l'entreprise. Hier, la direction de GE Medical Systems, craignant que cette décision ait un impact sur d'autres entreprises françaises, reconnaissait «étudier soigneusement les implications de cette décision ainsi que les possibilités de se pourvoir en cassation».