"La colère qui est la vôtre lorsque l'on vous traite de raciste ne justifie ni n'atténue en rien le poids moral de votre choix politique", a lancé récemment un éditorialiste américain à tous ceux qui jouent les vierges effarouchées quand on leur rappelle ce qu'est le programme des gens qu'ils ont porté au pouvoir sous prétexte qu'ils seraient "hors-système", un terme qui est devenu tout bonnement insupportable à entendre tant il est utilisé dans tous les sens.
Il ne s'agit pas d'individualiser, bien sûr qu'il n'y a pas de facto que des teubés qui votent pour Trump ou Le Pen (n'en sont-ils pas d'autant plus dangereux ?), mais c'est une dynamique globale. La victoire de Trump, c'est le triomphe du star-system, du spectacle, du bar PMU, de mongolito.
On pourra toujours opposer que ce qu'il y avait en face ne faisait pas rêver, et représentait tout ce qui a fait l'échec de nos sociétés depuis des décennies. N'y avait-il pas d'autres choix à faire avant, pour choisir autre chose sans se laisser écraser par le rouleau-compresseur la bêtise ? Je ne sais pas, Bernie Sanders par exemple ? Ce n'est pas la panacée, mais c'est quand même beaucoup plus sain. Les Américains avaient le choix. Je ne vois pas pourquoi il faudrait les absoudre d'avoir choisi quelqu'un attisant la haine de l'autre.
C'est pareil chez nous. Je ne baisserai jamais mon exigence face à l'intelligence d'un peuple. Voter Le Pen, ce n'est pas promouvoir un parti xénophobe, c'est voter contre le système ? Non, c'est voter comme un teubé pour un programme d'agitation sans aucune vision à long terme. Mis à part Christiane Taubira, Benoît Hamon et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui semble comprendre que le monde change ? Effectivement, les gens qui votent Le Pen veulent un retour à une France d'il y a 50 ans. Mais elle n'existe plus. On vit une révolution numérique dont personne ne parle, que personne n'appréhende véritablement. On parle de créer du travail alors que la réalité, c'est qu'il y a de plus en plus de monde pour moins en moins de travail. Mais personne pour proposer des réflexions de fond sur ce sujet, alors qu'il s'agit juste de notre véritable avenir. Les seules discussions qui animent mongolito et ses copains, c'est l'avenir à court terme, sur sept jours environ, avec la foi en la capacité de notre civilisation de continuer à créer du travail.
"Je vais créer du travail, bla bla". Vous n'allez rien créer du tout. On continue à encourager les gens à pondre des enfants à la chaîne à la moindre électricité amoureuse qui ne durera au final que trois mois, alors que les machines remplacent les hommes partout. Voilà ce qui devrait nous interroger, tous. Pas les quatre connards en djellaba qui font peur à mongolito. Que l'on permette à tout le monde de vivre décemment, et on n'aura de facto plus à parler de gens qui pètent des plombs parce que la société n'a rien à leur offrir.
Le numérique et l'écologie, ce sont les deux thèmes majeurs de nos vies, c'est ce qui fera notre futur ou ce qui nous détruira. Mais c'est un concept lunaire pour l'idiocratie qui ne voit que le chômage et les Arabes. Seul le vernis compte.
Alors, évidemment, je comprends que la première préoccupation d'un individu soit le fait d'avoir un toit, de la bouffe et d'être en sécurité. Evidemment. Mais ce n'est pas ce que j'attends de la politique. La politique, elle doit m'offrir une perspective à long terme, elle doit m'élever, je dois la sentir plus forte que moi. Et Trump, c'est l'inverse. D'avoir le clone de mongolito à la Maison Blanche, c'est un désastre pour le concept même de politique. Et que les gens n'aient plus le recul nécessaire pour comprendre que leur avenir ne se joue pas uniquement sur des promesses à très court terme ("on va virer quelques arabes et construire un mur"), des sparadraps sur des jambes de bois, c'est cela qui m'inquiète. Et c'est cela, la bêtise du vote Trump. Le vote Trump n'étant pas celui qui l'opposait à Clinton, mais celui qui lui a déjà permis de passer le cap de la primaire, et qui a empêché un Sanders d'être candidat à la place d'une Clinton.