A ce propos, il y a un truc que mon jeune âge ne me permet pas de très bien appréhender. Les affaires étrangères ne sont-elles pas une machine qui a une inertie énorme (vu la taille et la qualité de la diplomatie française, vu le rôle un peu spécial que l'on joue pour de nombreux pays...) ?
En d'autres termes, pensez-vous que Sarko peut changer du tout au tout notre politique étrangère, et si oui, en faisant quoi en pratique ?
La diplomatie française est en effet une des administrations de la plus grande qualité en France et elle est profondément imprégnée d'une politique qui a commencé il y a 49 ans. Le septennat de Giscard d'Estaing pourrait constituer une preuve de ton argumentation car, malgré l'atlantisme du personnage, il n'a guère pu inverser cette tendance.
Mais il y a des différences de taille avec la période 1974-1981. D'abord, Giscard présidait dans un contexte plus proche de la période gaulliste (juste après que Michel Jobert eût quitté le quai d'Orsay et huit ans seulement après que De Gaulle eût décidé de quitter le commandement intégré et demandé aux Etats-Unis d'évacuer les bases françaises de l'organisation atlantique). Ensuite, il devait composer avec une majorité de la majorité parlementaire gaulliste dont les principaux dirigeants étaient des barons du gaullisme (Chaban, Guichard, Debré...) qui suivaient attentivement le politique étrangère. Le deux premières années, il s'appuya également sur un Chirac cornaqué par un tandem Juillet-Garaud très sourcilleux en la matière. Les Cinq années suivantes, pour contrer Chirac, il devait ménager Guichard et Debré. Il le fit en gardant la même politique par rapport aux Etats-Unis, ce qui lui permettait de mieux se consacrer à son dessein européen. C'était une bonne manière de ménager la chèvre et le chou (je laisse à votre entière appréciation le soin de déterminer qui était chèvre, et qui était chou...).
Le contexte est donc totalement différent. Plus de trente ans ont passé depuis Giscard et si, beaucoup de politiques sont encore davantage favorables à une politique d'Indépendance, ils sont beaucoup moins imprégnés de la profonde culture politique qui en était le fondement. N'oublions pas que des ruptures sont toujours possibles. En 1958, le volontarisme politique a fait basculer la France de l'alignement à l'Indépendance. Pourquoi totalement exclure que ce volontarisme nous fasse basculer dans l'autre sens ?