Marley Aké évoqué en prêt chez nous vient de signer à la Juventus pour 8M€.
Manoeuvre visant à contourner le FPF.
Marseille va donc pouvoir s'en tirer dans les années à venir et ne sera plus dans le collimateur de l'UEFA.
Tu fais un raccourci car ce qui n'est pas illégal reste légal : L'Equipe d'aujourd'hui 28/01/2021 :
Remise en lumière par l'« échange » entre Marley Aké (Olympique de Marseille) et Franco Tongya (Juventus Turin), l'astuce qui consiste à conclure des transferts croisés entre deux clubs dans le but d'enjoliver leurs bilans comptables respectifs est presque aussi ancienne que le mercato lui-même. Un mécanisme simple et parfaitement légal mais critiqué en Italie, son royaume.
Dans ce genre de deal, le prétendu échange est en vérité tout sauf gratuit, puisqu'il s'agit de transferts certes simultanés, mais distincts et payants, souvent bien au-delà de la valeur réelle - mais par nature invérifiable - des joueurs. L'attaquant marseillais Marley Aké (20 ans, 224 minutes en Ligue 1 pour 0 but) et Franco Tongya, milieu offensif de la Juventus (18 ans, 0 minute en Serie A), valent-ils vraiment chacun huit millions d'Euros, somme à laquelle ils ont été évalués par leurs clubs respectifs lors de l'échange effectué jeudi 28 janvier ? Qu'importe la crédibilité des sommes, l'essentiel tient ici en deux mots-clés : amortissement et plus-value. La pratique est courante dans la plupart des clubs italiens.
L'été dernier, la Juventus avait effectué un transfert croisé avec le Barça : le Bosnien Pjanic, 30 ans et auteur d'une saison moyenne, avait été vendu au Barça pour une somme de 60 M€ alors que le Brésilien Arthur, relégué sur le banc, avait fait le chemin inverse pour 72 M€, soit le double du prix payé lors de son arrivée en Catalogne en provenance du Grêmio en 2018 (31 M€). Car lors d'un transfert, si le coût du joueur est amorti par le club acheteur sur la durée de son contrat, la plus-value à la vente réalisée par le club vendeur (le prix de vente moins la valeur résiduelle du contrat du joueur) est, elle, immédiatement inscrite dans les comptes. Arthur, en signant pour cinq ans, revient ainsi d'un point de vue comptable à moins de 15 M€ sur la saison, mais avec Pjanic, la Juve fait une plus-value instantanée de 42 M€. La différence se verra dans ses chiffres. Idéal pour respecter le fair-play financier.
Cofondateur de l'Observatoire du football du CIES (Centre international d'étude du sport), spécialisé dans l'analyse du marché des transferts, Raffaele Poli fait remonter la flambée de ces mutations réciproques gonflées artificiellement au début du XXIe siècle, en réponse à la crise de surinvestissement des clubs italiens (dépenses de salaires et de transferts bien trop importantes par rapport aux recettes).
En 2007, dans une contribution à la revue suisse d'éthique financière Finance & Bien Commun, il décrivait « des manipulations comptables qui ont permis aux clubs italiens de maquiller des bilans fortement déficitaires en évitant ou en retardant ainsi la faillite ». Au moyen de ces « échanges gratuits », des clubs, même rivaux comme l'AC Milan et l'Inter Milan, ont pu « inscrire des plus-values fictives dans leurs bilans respectifs », ajoutait-il.
Certains deals font sourire a posteriori. Joueur de l'Inter, Andrea Pirlo est échangé en 2001 contre le milieu argentin du Milan Andres Guglielminpietro et une soulte de 2,8 M€. L'année suivante, Clarence Seedorf, en échange du latéral Francesco Coco, et le défenseur croate Dario Simic, contre le milieu turc Umit Davala, suivent le même chemin. On se souvient des trois premiers, à peine des trois autres, mais si l'Inter y a perdu sportivement, sur le plan financier en revanche...
La Juve, reine du double transfert
Vingt ans plus tard, la Juve est devenue sans conteste la reine du double transfert. La même semaine que l'accord Pjanic-Arthur, le club piémontais en a annoncé un autre avec Manchester City, qui a vendu à Turin l'ailier portugais Felix Correia et reçu en échange l'attaquant espagnol Pablo Moreno, avec là encore des indemnités à la clé (10 M€ environ dans les deux sens) qui paraissent hors de proportion pour de jeunes joueurs à zéro match en équipe première. La Juve trouve des arrangements pour ces profils (autre échange avec le Barça en janvier dernier entre Matheus Pereira et Alejandro Marques), mais jongle aussi avec des valeurs installées (échanges Danilo-Joao Cancelo avec City et Luca Pellegrini-Leonardo Spinazzola avec la Roma à l'été 2019).
« Même en France, je ne vois a priori aucun obstacle juridique aux doubles transferts, mais la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) pourrait peut-être retoquer une présentation comptable qui ferait passer un échange de fait pour une plus-value », commente un avocat spécialisé en droit du sport. « Là où émerge un système visant à embellir ou corriger les bilans avec des ventes gonflées ou fictives, les instances devraient trouver le courage d'établir de nouvelles règles d'évaluation les plus précises possible pour combattre ce dopage administratif », suggère de son côté le journaliste italien Marco Bellinazzo, spécialiste de l'économie du foot, dans le quotidien Il Sole 24 Ore.
À ce jour, les instances ne fixent aucune limite aux échanges, pas plus qu'à la valorisation des joueurs. Lors d'un transfert international, le règlement sur le statut et le transfert de joueurs de la FIFA stipule à son chapitre « obligation des clubs » que ceux-ci doivent « indiquer si le transfert porte sur un échange de joueurs ». C'est tout. « L'UEFA suit ce sujet mais nous n'avons actuellement pas de détails supplémentaires à fournir », a répondu de son côté l'instance européenne à nos questions sur l'hypothèse d'une régulation.