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En dépit de la prolongation d’un an qui lui a été proposée, Teddy Richert, l’emblématique gardien sochalien, a préféré en rester là avec le club doubiste, qu’il avait rejoint en 2001. Un immense vide est désormais à combler.
Une si belle histoire, qui s’achève comme ça, sans strass ni paillettes. Sans l’hommage colossal que le garçon méritait, mais qu’il a certes indirectement annulé, en maintenant ces derniers jours un suspense qui devait bien avoir un fondement.
Injoignable hier, après la parution d’un communiqué sur le site Internet officiel du club, annonçant le départ de ce taulier, son silence a automatiquement interpellé. Restera, prochainement, à expliquer le refus sur la prolongation de contrat d’un an qui lui avait été proposée.
Depuis plusieurs jours, Teddy Richert (37 ans) n’avait pas fait mystère d’une certaine lassitude, notamment après cette saison qui l’a usé, voire agacé à d’autres égards. Après sa fin de saison à nouveau réussie, et cet épilogue heureux, d’aucuns s’étaient déjà imaginés le voir rempiler pour un an. Ou à défaut le savoir entamer une reconversion au sein du club sochalien. Depuis hier en milieu d’après-midi, ces espoirs sont devenus vains.
Rien ne dit pourtant que cette fin sochalienne, peut-être inaboutie, ne fera pas le bonheur d’un autre club de l’Hexagone. Hier soir, il se disait, dans son entourage, qu’il souhaitait avant tout se donner le temps, afin de se reposer, pour éventuellement tenter un dernier challenge.
Dans les prochains jours, tout deviendra envisageable pour lui, y compris un retour en terres bordelaises, où son ancien coach Francis Gillot pourrait sauter sur l’occasion.
L’éventualité répond à un critère que Teddy Richert a semblé mettre en avant. Décidé à ne pas faire l’année de trop, celui qui avait été élu « meilleur gardien de Ligue 1 » en 2007, ne voulait surtout plus entendre parler de saison galère. On peut le comprendre.
Qu’il soit, ou non, sur les terrains, pour la reprise cet été, l’Avignonnais d’origine préparera sa reconversion, avec les diplômes d’entraîneur qu’il a déjà dans le viseur. La suite de l’histoire s’écrira alors, à la suite de ce livre que beaucoup refermeront avec peine. À Sochaux, Teddy Richert était devenu bien plus qu’un gardien talentueux et respecté. Il était même plus qu’un capitaine courage et exemplaire. Le nom Richert, assimilé à ces 323 rencontres en Ligue 1, entrera au panthéon sochalien, en lettres d’or.
Forcément déçu de voir partir un garçon sur qui il comptait ( « la semaine dernière, je l’avais rencontré pour lui dire que, si j’étais reconduit, je voulais qu’il soit là. C’était important qu’il le sache »), Éric Hély n’a pas eu à se forcer pour anoblir Monsieur Teddy Richert. « Nous ne pouvons que respecter sa décision, lui dire merci et chapeau, pour tout ce qu’il a apporté. Je suis fier de lui, de l’exemple qu’il a été chaque jour. Il arrivait avant tout le monde, c’était un fou de travail. Le gars, c’est Robocop, c’est plus qu’un vrai professionnel. C’est là qu’on se dit qu’il n’y a pas de hasard ».
Cette notion d’exemplarité, Pierrick Cros (21 ans dans un mois) tentera désormais d’en témoigner, tel un très lourd héritage, dans une suite qu’Éric Hély n’était pas enclin à la commenter. « Dans ma tête, je sais ce que je vais faire. On avait soupesé cette possibilité. Mais chaque chose en son temps. Pour l’instant, on sait juste qu’il s’agit d’une énorme perte ».
Le club sochalien a pourtant visiblement fait son choix. L’heure de Pierrick Cros arrivera. Elle sonnera peut-être avec d’autant plus de précision qu’un gardien, venu de l’extérieur, est appelé à venir juste derrière lui, et donc devant le jeune Camara.
Une autre ère en somme, après celle d’un monument, qui au-delà du grand gardien qu’il a su être, a toujours véhiculé l’image d’un mec droit. On aurait, pour cette raison, aimé le voir quitter Bonal avec la même solennité qu’un Laurent Battles a connue dimanche à Saint-Etienne. Car Teddy méritait un immense merci.
Le Pays.
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Montbéliard. À un supporter qu’il appréciait par-dessus tout, il a pris soin de tout lui donner. Gants, shorts, effets d’hiver, effets d’été. À un fan qui était venu l’interpeller au lendemain d’OM-Sochaux pour savoir s’il avait fait ses adieux la veille en restant « très longtemps » prostré face au kop, il avait dit ceci : « C’était peut-être des adieux, oui. Peut-être, peut-être pas. Je reviendrai peut-être au stade. Pour faire quelques tours de motos. Je ne sais pas encore, on verra. J’ai une décision à prendre… »
Quatre jours plus tard, la décision est prise. Annoncé sur le départ à plus de 90 % par ses proches, Teddy Richert va bel et bien quitter la maison jaune et bleue après plus de 11 ans de bons et loyaux services. Un choix « irrévocable » nous assurait hier après-midi son agent Alexandre Krstic. « Tout ce que je peux dire c’est que Teddy sort très fatigué psychologiquement de cette dernière saison avec Sochaux. Voilà, la notion de plaisir est primordiale chez lui. Je suis à ses côtés depuis 16 ans. Je sais comment il fonctionne. Mais attention à la formulation. Il n’arrête surtout pas sa carrière ! Teddy part en vacances et va étudier sereinement les deux ou trois propositions qui lui sont faites… »
Une autre aventure l’attend, c’est vrai. Il va rejouer en Ligue 1, confirme son agent. Mais hier, c’est le facteur émotion qui l’a emporté. Les fans du taulier vont être inconsolables un petit moment. À Sochaux, on ne lui connaît en tout cas aucun ennemi. Ou plutôt, personne assez osé, assez fou pour se déclarer comme tel. « Face à une telle légitimité dans tout, on ne peut qu’être admiratif », disait de lui son ex-coach Aziz Bouras. Le vieux complice a tout fait pour infléchir la décision. En vain…
UN ORACLE QUI SENTAIT LE DANGER
À 37 ans révolus, avec 323 matchs au compteur élite, Teddy était en effet devenu un monument vivant au club. Sa voix de stentor ? Reconnaissable entre mille. On voyait surtout en lui un exemple de professionnalisme au quotidien. « Toujours premier arrivé de bonne heure. Toujours le dernier à partir après chaque entraînement. Un souci du détail rare… », confiait Vincent Nogueira.
« Un monstre de travail », glissait hier encore Eric Hély. Un coach envahi par une vraie tristesse. Il a tout fait, lui aussi, pour le retenir. Mais coach Hély est déjà philosophe. Respectueux du parcours : « C’est une page qui se tourne. Non, c’est une grande page qui se tourne ! Teddy incarnait totalement les valeurs du club. À travers ses séances au quotidien, dans ses matchs, dans sa faculté à revenir de ses blessures. Pour moi, c’est simple, c’est Robocop… »
On pourra louer enfin l’héritage laissé. Un palmarès somptueux à l’échelle sochalienne. Richert restera à jamais lié aux titres obtenus lors de la précédente décennie. La coupe de la Ligue en 2004. La coupe de France 2007. Une empreinte indélébile. Ses séances de tirs au but victorieuses font partie intégrante de la légende du FCSM. Teddy Richert, c’était aussi un oracle. Un homme qui prévenait du danger avant les autres. Il a souvent œuvré en ce sens. Au soir de la dernière qualification européenne décrochée face à Saint-Etienne, il y a un an, il était le seul à faire la gueule, à nous expliquer que Sochaux avait toutes les chances d’enchaîner sur une énième saison de galère. Pavé dans la mare suivi d’effet. La saison écoulée a vraiment été galère. Au risque de déplaire, au risque d’être le propre aiguillon de sa direction, le capitaine a peut-être finalement ciblé un couac génétique, un défaut de fabrique récurrent : le manque d’ambition. Ses difficultés relationnelles avec la tête du club ont fini d’ailleurs par être un trait de fracture trop voyant. Trop grand pour faire comme si de rien n’était. Teddy est parti. Il a choisi de tirer sa révérence. Et cela va laisser un grand vide…
Est Républicain.