L'Assemblée Nationale est sur le point d'examiner en urgence, dans la nuit du 22 au 23 décembre, le projet de loi DADVSI (Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information).
Ce projet de loi devrait, et notamment les articles 11 à 15, Titre 1, considérer comme un délit tout ce qui touche de près ou de loin au contournement d'un système de protection ou d'en faire la promotion...
Une loi qui fait froid dans le dos
Précisons tout d'abord que la date choisie (la nuit du 22 au 23 décembre) paraît relativement farfelue, d'autant lorsque l'on sait que l'Assemblée Nationale se fait relativement déserter à l'approche des fêtes de fin d'année.
Ici, le projet de loi étudié assimile "au délit de contrefaçon le fait de contourner les mesures techniques [de protection] ou de mettre à disposition des moyens permettant ce contournement, y compris lorsque ces moyens ont un but commercial limité ou une utilisation limitée autre que ce contournement."
Ainsi, la loi validée rendrait illicite le contournement de ces protections, la mise en place d'un logiciel permettant de les contourner ou facilitant le contournement, sa détention, la promotion d'un tel système de contournement, la communication dans la même finalité, le tout avec à la clé une peine de 300.000 Euros et de 3 ans de prison.
Seulement, le texte ne fait à aucun moment état de possibles problèmes d'intéropérabilité que poserait cette loi, ni même de la création de monopole, de la disparition du droit à la copie privée, du contrôle de l'usage (rappelez vous du rootkit de Sony...), de la pénalisation de l'utilisation (...ou des CD Virgin ne fonctionnant nulle-part), etc...
Ainsi, un texte de loi qui est sujet à polémiques depuis maintenant longtemps, et qui pourrait bien devenir une réalité en cette fin d'année 2005, fortement marquée par la «lutte contre le piratage»...
Graver ses propres compilations à partir d'un CD, extraire son morceau favori pour l'écouter sur son ordinateur, le transférer vers un baladeur MP3, prêter un CD à un ami, lire un DVD avec un logiciel libre ou bien le dupliquer pour en disposer à la fois chez soi et dans sa maison de campagne : autant de pratiques très répandues, et parfaitement légales, que le gouvernement propose de proscrire de fait. Le projet de loi sur le Droit d'Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l'Information (DADVSI) (n°1206) que le gouvernement va tenter de passer en force dans les prochaines semaines via une procédure d'urgence, légitime en effet les dispositifs techniques de contrôle d'usage installés par les éditeurs et les producteurs sur les CD et les DVD. Et surtout, il prévoit des sanctions pénales pour qui s'aviserait de les faire sauter.
Paris, le 27 septembre 2005. Le site de l'Assemblée nationale confirme que le gouvernement a déclaré l'urgence sur le projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI)(i). L'initiative EUCD.INFO dénonce une tentative de passage en force d'un texte inacceptable et appelle le public à se mobiliser d'urgence.
En effet, s'il est adopté en l'état, le projet de loi DADVSI :
* transformera des millions de consommateurs honnêtes en délinquants (trois ans de prison et 300 000 euros d'amende prévus en cas de copie privée vers un support non autorisé par les titulaires de droits, par exemple un baladeur MP3);
* divisera la société de l'information entre les ayant-accès à la culture numérisée et les autres puisque introduisant un nouveau droit dans le Code de la propriété intellectuelle : celui d'autoriser ou d'interdire l'accès à une oeuvre via la technique;
* menace la mission des bibliothèques et l'avenir du domaine public en ne prévoyant aucune disposition visant à libérer l'oeuvre du contrôle technique une fois les droits patrimoniaux épuisés;
* favorise les ententes illicites, les abus de position dominante et la vente liée en permettant aux producteurs de disques et de films d'imposer au public les outils permettant d'accéder aux oeuvres qu'ils produisent ( comme si un éditeur de livres pouvait imposer une marque de lunettes pour lire les livres qu'il fait imprimer);
* crééra une insécurité juridique sans précédent dans le monde de la recherche en cryptographie;
* va à l'encontre de certaines dispositions de la loi Informatique et Libertés car interdisant de facto aux citoyens d'exercer leur droit au contrôle des données personnelles;
* propose de censurer, au nom du droit d'auteur, les auteurs de logiciels libres et ce bien que leur travail soit reconnu par l'UNESCO comme Trésor du monde, et par la Commission de l'Economie générale, des Finances et du Plan, comme la seule alternative susceptible de permettre à la France et à l'Europe de retrouver son indépendance technologique.
Les associations de consommateurs, de familles, d'internautes, d'auteurs et d'utilisateurs de logiciels libres, des sociétés de gestion collective représentant plus de vingt-cinq mille artistes, des syndicats de musiciens, des représentants d'enseignants, de bibliothécaires, de documentalistes et d'archivistes dénoncent d'ailleurs régulièrement un texte extrémiste, discriminatoire et répressif qui ne sert que les interêts d'une poignée de multinationales aux dépens de l'interêt général.
L'initiative EUCD.INFO rappelle, de plus, que le projet de loi DADVSI transpose une directive européenne (l'EUCD) dont les effets sont tels que la Commission européenne en arrive à ne pas respecter ses obligations pour mieux les masquer. Conformément à l'article 12 de la directive EUCD, la Commission aurait en effet dû publier "au plus tard le 22 décembre 2004" un rapport sur les effets de la directive dans les pays l'ayant déjà transposé. Mais elle ne l'a pas fait tant il est désormais évident, y compris pour certains responsables européens, que la directive entraîne une hausse artificielle du prix des oeuvres, et menace la libre concurrence sur le marché du logiciel.
L'argument utilisé par le gouvernement pour justifier l'urgence (retard dans la transposition de la directive) est donc fallacieux. On voit mal comment la Commission pourrait poursuivre la France pour non-respect de ses obligations dans la mesure où elle-même fait fi des siennes pour mieux masquer les effets d'un texte arraché aux parlementaire européens en 2001, et qui, par ailleurs, pourrait être retoqué par la Cour de Justice des Communautés européennes tant il va à l'encontre de ses objectifs d'harmonisation.
Le passage en urgence n'a, dès lors, qu'une seule justification possible : à l'approche des élections et au milieu du tumulte social annoncé, faire passer un texte inacceptable le plus vite possible en espérant que les électeurs auront la mémoire courte. Inutile de dire que les membres d'EUCD.INFO sauront rappeler, le moment venu, les faits et gestes de chacun, et notamment des élus de la majorité qui resteraient silencieux.
Tout élu normalement constitué devrait s'élever contre cette tentative de passage en force. Le projet de loi DADVSI a en fait pour objectif de permettre à la France de ratifier deux traités internationaux négociés il y a dix ans à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), organisation dont le fonctionnement peu démocratique et les productions sont de plus en plus contestées. Prétexter, comme va sans doute le faire le gouvernement, que le projet de loi DADVSI est un projet de loi technique et mineur n'a donc aucun sens.
Dans un premier temps, l'intiative EUCD.INFO demande donc aux citoyens de téléphoner ou d'écrire immédiatement au ministre de la Culture pour lui demander de retirer promptement sa demande d'urgence (cabinet du ministre : 01 40 15 80 00). Elle invite également les citoyens à téléphoner ou écrire à leurs députés pour leur demander de dénoncer publiquement la grossière manoeuvre du gouvernement .