Citation
"Théorie générale du Villarato" (Alfredo Relaño, AS)Partie 1 : origine et définition du villaratoLorsque j'ai inventé le mot
villarato, le mot n'était pas lié aux faveurs d'arbitrage envers le Barça, mais plutôt à la façon
sui generis de Villar (1) d'exercer le pouvoir et d'y rester (le mot se référait aussi à la longévité de son mandat). Vous voyez ce que je veux dire : il garde Clemente (2) parce que s'il le vire, il doit le payer, alors que quand il a viré Luis Suarez il ne l'a pas payé ; la seleccion ne jouera pas à Saragosse (où elle a joué une seule fois en 25 ans) car la Fédération Aragonaise n'a pas voté pour lui, par contre elle jouera en Castilla-la-Mancha qui n'a… pas voté pour lui non plus, mais qui le fera la prochaine fois. Et que dire de Samper, propriétaire du Real Murcie, qui par le biais de sa société Santa Monica Sports a avancé une fortune pour obtenir un Espagne-Argentine pour l'inauguration de sa nouvelle pelouse… non homologuée (blessure de Maxi au passage). […]
Pour tout cela et pour bien d'autres choses de cette nature (je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps), pour la longue période que couvrent ces pratiques, et pour la personne qui symbolise et perpétue tout cela, j'ai créé le mot
villarato, comme un éloge discret au personnage. Villar n'a bien sûr pas inventé le
villarato, c'est depuis la nuit des temps que le pouvoir en place cherche et trouve des techniques pour y rester. Mais son cas perdure depuis si longtemps qu'il mérite un terme pour marquer le coup.
Et les arbitres sont à sa main. De l'homme le plus loyal, Sánchez Arminio, au plus dévot, Diaz Vega. Ces arbitres ne sont pas évalués par les clubs mais par un comité strict, qui applique à la fin de la saison un "facteur de correction" de sorte que le classement remplisse les critères "appropriés". Les arbitres sont des gens patients et de bonne foi, certes, mais au final, ils restent des hommes. Des hommes dont d'autres hommes décident de la carrière. Et ceux qui décident sont leurs chefs, les serviteurs du
villarato, qui sont mis en place par Villar lui-même. Ils décident qui est international ou pas, qui mérite de faire un tour grassement payé pour arbitrer trois bouts de matchs au Japon, ou d'aller donner des cours d'arbitrage au Qatar…
Ce sont les mêmes que l'on écoute au moment de recommander un jeune arbitre, bon et prometteur. Lancer des arbitres de leur région et les parrainer est l'un des rôles préférés des arbitres (un arbitre aime beaucoup sa région d'origine, car c'est le seul endroit où il ne se fait pas insulter, du moins à son arrivée ; ou parce qu'il s'y est tellement fait insulter qu'il a développé comme un "syndrome de Stockholm"… allez comprendre). J'y reviendrai plus bas.
Mais c'est presque systématique que les arbitres qui atteignent le haut de l'échelle ne sont pas ceux qui font le moins d'erreurs, mais ceux qui font des erreurs qui vont dans le sens du "système". Bien entendu, ce sont eux qui arbitrent les phases finales des grandes compétitions, les grandes affiches de Liga, les derniers tours de coupe, les matchs internationaux et les phases finales de Coupe du Monde ou des championnats européens. Avez-vous déjà vu, dans un Mondial, un arbitre faire une erreur grave lésant l'Allemagne, le Brésil ou l'Italie ? Quand cela s'est produit, c'est parce qu'ils ont joué, directement ou indirectement, contre l'équipe locale. Par exemple, l'Angleterre a bénéficié d'un but non valable contre l'Allemagne en 1966 (3). Il y a eu dans cette même Coupe du Monde un jour ignoble incluant un Angleterre-Argentine arbitré par un Allemand, et un Uruguay-Allemagne par un Anglais. Les deux ont fait scrupuleusement "ce qu'il fallait". Cela a ouvert un gouffre footballistique, pas encore fermé, entre l'Amérique du Sud et l'Europe. Ils ont arnaqué l'Italie face à la Corée, dans le même Mondial que nous (4). Ensuite, lorsque la Corée a joué l'Allemagne en demi-finale, il n'y a rien eu d'inhabituel. Autre exemple : le Brésil s'est vu refuser un but sans précédent lors du Mondial argentin (5). Quelque chose de jamais vu : corner, contre la Suède, que Zico catapulte dans le but, de la tête. L'arbitre (anglais) a déclaré que le temps réglementaire s'était terminé entre le corner et la tête de Zico, sauf qu'il avait porté le sifflet à sa bouche après le but, et le coup de sifflet n'était pas celui du but mais de la fin du match.
Il n'est donc pas surprenant, dans ces conditions, que nous (6) ayons toujours été les dindons de la farce, puisque nous avons toujours été peu représentés au sein de la FIFA. Nous avons été généralement plutôt mal lotis. Rappelez-vous le coup de coude de Tasotti (oui, d'Italie) sur Luis Enrique et le sang de celui-ci ? Et bien sûr, inutile de rappeler ce qu'Al Ghandour nous a fait contre la Corée (7). Ou le but de Michel contre le Brésil au Mexique?
Mais il y a eu une exception, rappelez-vous : notre Mondial. Pour une faute hors de la surface de réparation, on nous a donné un pénalty, pour sortir premiers de la phase de poules. Nous n'avons pas pu explorer plus loin, c'était inutile... L'Italie et l'Allemagne ont atteint la finale. Tant que l'on parle de cette Coupe du Monde, vous rappelez-vous que Lamo Castillo (notre arbitre pour l'événement, désormais installé confortablement dans les hauteurs du football mondial) avait torpillé l'URSS dans son match contre le Brésil à Séville ? Ou comment tout était permis à Gentile contre Maradona, le jour où l'Italie a battu l'Argentine, lorsque Grondona (8) n'était pas encore ce qu'il est aujourd'hui ? Ou l'embarras universel que nous avons ressenti lorsque Schumacher a abattu Battiston, dont nous craignions pour la vie après cet attentat finalement sans conséquences ?
Arbitrer, c'est une science, un métier, un art, un cynisme, un peu de tout cela. Les meilleurs arrivent souvent tout en haut. Mais ça (les "erreurs" d'arbitrage) doit ressembler à un accident, à une négligence, sinon ça ne peut pas marcher. Si tu oublies, ils te mettent à l'écart, parce que « Rome ne paie pas les traîtres ». Mais se tromper dans le sens qui ne convient pas, c'est encore pire qu'oublier.
Que l'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : ce n'est pas une conspiration. Rien ne doit être dit, rien ne doit être noté, personne ne vous félicite lorsque vous faites quelque chose de "bien". Mais ça continue à perdurer. Et le football donne de nombreuses opportunités : presque chaque match offre deux ou trois faits de jeu ambigus, le genre d'actions qu'il faut voir et revoir 3 ou 4 fois pour se faire une opinion. Et même si à chaque ralenti on aboutit à la même conclusion, le mal est fait, et la cause est déjà servie. Ne soyez pas surpris qu'ils le fassent bien : nous parlons d'un très petit nombre d'arbitres, choisis à partir d'une forte population. Et ces gens peuvent passer vingt années à perfectionner cette compétence.
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1. Angel Maria Villar, Basque, né en 1950 et ancien joueur professionnel (à Bilbao dans les années 70). Il a accédé à la présidence de la fédération
basque de football dans les années 80 avant d'être élu président de la fédération espagnole de football, en 1988. Il est toujours en poste après des réélections en 1992, 1996, 2000, 2004 et 2008. Il devient vice-président de l'UEFA et de la FIFA en 1992 et 2000, respectivement. En 2002, après l'élimination scandaleuse de l'Espagne contre la Corée du Sud, il démissionne de son poste à la FIFA... avant d'y être immédiatement nommé président de la Commission des Arbitres. La même année, il accèdera au poste équivalent à l'UEFA.
2. Comme sélectionneur
3. Troisième but anglais lors de la finale contre l'Allemagne à Wembley (4-2 a.p.). Sur un tir de Hurst, le ballon le ballon tape la barre et ne rentre pas entièrement, ce que n'a pas vu le juge de ligne russe. Quelques jours plus tôt, l'URSS avait été éliminé par... l'Allemagne.
4. Coupe du Monde au Japon et en Corée, en 2002.
5. vidéo
6. Les Espagnols
7. L'Espagne s'était fait sortir de la Coupe du Monde par la Corée du Sud (l'hôte) après un match arbitré de façon quelque peu troublante...
8. Homme fort du football argentin et sud-américain, surnommé "le Parrain" Citation
Partie 2 : le villarato et le Barça
J'ai passé cinquante ans à suivre le football espagnol et je ne me souviens pas d'un tel cas de soutien explicite et prolongé à un club ; et si quelqu'un peut m'en fournir, je lui serai reconnaissant.
J'ai vu le Barça se retirer de la Coupe du Roi. C'était en avril 2000. Ils avaient perdu 3-0 au match aller de la demi-finale contre l'Atletico, à Madrid. Pour le match retour, Van Gaal avait demandé un report du match, parce qu'il avait de nombreux Néerlandais et ils étaient appelés en sélection (à l'époque, il y avait encore plus de tensions de calendrier qu'aujourd'hui). C'était pour un match amical contre l'Ecosse. Quelques mois auparavant, il y avait eu un match amical Pays Bas – Maroc et cette fois-ci, le néerlandais Van Gaal avait obtenu de ses compatriotes que "ses" joueurs ne soient pas convoqués et restent à Barcelone… pour jouer un match pour le centenaire du club, contre le Brésil. Cette fois-ci, Van Gaal et le club ont décidé de ne pas redemander cette faveur, préférant faire sauter la partie. Ils prétendaient qu'entre les absences et les blessures (Amunike avait l'aval du staff médical, mais n'était curieusement "pas encore de retour"), ils n'avaient que dix joueurs. Ils disaient aussi qu'en complétant l'équipe avec des joueurs de la cantera, cela affaiblirait la partie (le règlement exige qu'il doit y avoir au moins sept joueurs de l'équipe première, condition remplie dans notre cas). Donc ils se sont présentés au match avec dix joueurs, dans une scène assez comique. Guardiola, très honorable capitaine, est sorti de la ligne de joueurs après la présentation des équipes et s'est dirigé vers le milieu de terrain pour parler à Diaz Vega, l'arbitre de la rencontre. Santi Denia, honorable capitaine d'un Atletico qui a voyagé au Camp Nou dans les meilleurs délais pour jouer, a assisté circonspect au bref dialogue. Tout était télévisé, en direct. Et puis, tous à la maison, sans match, sans douche.
Cette année-là, les deux équipes de Madrid et les deux de Barcelone étaient semi-finalistes. Les quatre avaient des joueurs internationaux. Les trois autres ont joué, en faisant abstraction des leurs, parce que cette date avait été réservée par la FIFA. D'après le règlement, la sanction pour une telle chose (forfait) est l'exclusion de la Coupe l'année suivante…
L'été suivant, profitant de sa réélection, Villar leur a pardonné (ce qui ne fait pourtant pas partie de ses prérogatives).
Allons en 2003, pour un autre contentieux international. Pour permettre à Ronaldinho de jouer tout en respectant les repos obligatoires entre deux matchs, le club a joué son match contre Séville à minuit cinq (!), se vantant de pouvoir "déplacer Rome à Santiago". L'arbitre était là, prêt, en uniforme, tout comme Del Nido (1), chèque dans la poche, aux côtés de Laporta (2).
Et puis il y a eu le coup du cochon de lait. Vous rappelez-vous en ? Medina a fait de son mieux pour sauver la partie après une longue interruption, et il le fit bien. Ce fut le second retour au Camp Nou de Figo après son départ (3) et il a commis l'outrage de tirer les corners, ce qu'il n'avait pas fait lors de son premier retour, mais qu'il a toujours fait dans tous les autres matchs. La personne chargée de la sono avait d'ailleurs annoncé dans des interviews à la presse que lors de l'annonce des compositions, il marquerait une pause à Figo, pour que les gens puissent le huer copieusement. Malgré ces annonces, non seulement il a quand même été chargé de cette tâche, mais il lui a été permis de faire cette pause. L'atmosphère empoisonnée a ensuite dégénéré.
Le résultat fut l'ordre de fermer le stade pour le(s) prochain(s) match(s). Le Barça a recouru à la justice ordinaire, en transgressant le pacte footballistique de ne pas faire une telle chose sauf pour des cas relevant du droit du travail. C'est pourquoi Lendoiro avait été forcé d'aller ramper devant l'UEFA. Mais avec le Barça, ça s'est passé différemment : alors que l'affaire était en cours d'investigation au tribunal, une modification "ad hoc" a été apportée à l'article 118. Puis la plainte a été retirée, et l'amendement a sauvé le Barça du huis-clos. Plus tard, la Fédération a continué à condamner des clubs à des huis-clos pour des choses moindres, mais tout le monde n'est pas le Barça…
Je poursuis : au retour du piteux Mondial de Luis Aragones (2006), l'Espagne organisa un match amical en Islande. Honnêtement, personne n'était très motivé par cette initiative et moins de cinq jours après, le Barça avait son match de Supercoupe contre l'Espanyol. Le Barça a décidé que Puyol et Xavi n'iraient pas, et ils ne sont pas allés. "Blessés", apparemment. Soit. Dans ce cas, il est établi qu'un joueur qui est retiré d'une convocation internationale pour blessure ne peut pas jouer avec son club pendant les cinq jours qui suivent le match international. Bien sûr, Xavi et Puyol ont joué la Supercoupe. Bien sûr, l'Espanyol a posé une réclamation, c'était un cas d'école ! Mais bien sûr, l'affaire a été enterrée dans les tréfonds de la Fédération.
J'en ai encore ! La finale de la Coupe du Roi 2004 concernait Saragosse et le Real. La ville choisie pour la finale était Barcelone. Mais comment peut-on accepter que Madrid, qui avait atteint sa maturité galactique et qui était grand favori de cette finale, puisse y gagner un titre ? Comment un champion, avec son propre hymne, pouvait-il profaner l'enceinte du Camp Nou ? Non, non et non. La finale a donc dû être jouée à Montjuïc, moins de capacité, avec la piste d'athlétisme... bref, pire, à tous égards. Parce qu'on ne fait pas "ça" au Barça. Mais cette fois cependant, les culés ont manqué de goût parce que la finale a été remportée par Saragosse, avec un but de Galletti. Le "galacticide" peut maintenant avoir sa plaque au Camp Nou, mais tout ne se déroule pas toujours selon le meilleur scénario possible (je rigole).
Un dernier exemple, qui date presque d'hier (décembre dernier). La grève des contrôleurs a impacté tout le football espagnol. La veille, les équipes de toute l'Espagne avaient pris la route, en bus et/ou en train. Certains ont traversé toute l'Espagne ; d'autres, comme l'Atletico, "seulement" la moitié. Pour le Barça c'était facile, ils jouaient contre Osasuna : le TGV jusqu'à Saragosse, et un bus jusqu'à Pampelune. Mais pour le Barça, pas de problème, pas besoin de prendre des précautions la veille... En fait, le Barça se déplace toujours le jour-même. Quelqu'un leur a dit que l'activité de l'aéroport reviendrait à la normale et le club n'a pas pris la moindre précaution. Quand ils ont vu qu'il n'y avait pas de vol le lendemain, ils ont appelé le secrétaire de la Fédération et se sont arrangés avec lui, sans consultation (même de courtoisie) avec Osasuna. A ce moment, il restait sept heures avant le coup d'envoi (prévu) du match. La Fédération a alors appelé Patxi Izco (4), qui est devenu fou. Comme le Barça a été abasourdi par ce scandale grandissant (auquel il ne s'attendait pas, et qu'il n'a toujours pas compris), il a décidé de faire au dernier moment ce qu'ils auraient dû faire bien avant : prendre le TGV pour Saragosse. Ensuite, en bus jusqu'à Pampelune. Ils sont arrivés au Reyno de Navarra pile à 20h00, heure fixée pour le début du match. Bien sûr, ils ont été autorisés à s'échauffer autant qu'ils voulaient, même à aller au-delà de la généreuse demi-heure de courtoisie que le règlement prévoit pour les équipes qui arrivent en retard. Qui allait les presser, de toute façon ?
En fait, la situation s'est aggravée après les élections de 2004, quand Gerardo González s'est présenté contre Villar. Gerardo Gonzàlez avait été secrétaire général de la Fédération. Il était en conflit avec Juan Padrón, vice-président, parce que ce dernier faisait partie d'un comité de discipline ayant pris une décision touchant l'un des clubs de sa ville. Osez faire un pas sur le territoire de Gerardo Gonzàlez... mais Padrón était en charge des finances, ce qui n'est pas rien. Ces conflits relevaient du "villarato intérieur" mais ils ont dégénéré en guerre sale. Gonzalez a sauté et a décidé de se présenter aux élections, tout en diffusant les informations "sales" qu'il avait récoltées pendant plusieurs années coincé à la Fédération.
Florentino, qui croyait encore qu'il contrôlait tout, alors qu'il ne contrôlait rien, a alors soutenu Gerardo González. Gaspart soutenut Villar. Laporta, alors président de Barcelone, a rompu la discipline de vote de la Liga (5) et a voté Villar. Et Villar gagné. Et il est toujours là.
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1. Président du FC Séville
2. Président du Barça, à l'époque
3. Du Barça au Real
4. Président d'Osasuna Pampelune
5. J'ignore en quoi cette "discipline de vote" consiste. Si quelqu'un a des infos...
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Partie 3 : Le villarato, le Barça et le RealSantiago Rodríguez a accordé un but de la main à Messi contre l'Espanyol, le jour de "tamudazo" (1) et le lendemain, a été nommé pour arbitrer la finale de la Coupe. Le même Santiago Rodríguez, la même saison, avait accordé un but à l'Espanyol, contre le Real Madrid, après avoir pourtant sifflé une faute juste avant. J'ai aussi vu Mejuto Gonzalez siffler un pénalty contre l'Atletico pour une faute très clairement en dehors de la surface, et être nommé la même année à la Coupe du Monde (s'il n'y est finalement pas allé, c'est parce que l'un de ses juges de ligne était en surpoids). Pour rappel, en 1970, Guruceta avait accordé un penalty pour une faute en dehors de la surface, en faveur du Real, qui plus est au Camp Nou. La partie n'a pas pu se terminer. Guruceta avait été suspendu pour six mois, n'a plus jamais arbitré le Barça, et le président du comité arbitral avait alors démissionné.
Et vice-versa : j'ai vu Tristant Oliva accorder un pénalty discuté au Real Madrid (2), à la fin d'un match contre Valence (l'
ushiro nage, vous vous souvenez ?). Pénalty mérité, j'ai trouvé. Eh bien, il a été éjecté du système. L'année suivante il officiait comme délégué de terrain à Murcie, et il n'avait pas atteint l'âge de la retraite... J'ai aussi vu Daudén Ibáñez refuser un but absolument valable à l'Atletico Madrid contre le Real, et perdre son statut d'international dans la foulée.
J'ai donc vu assez d'indices pour expliquer, mais pas justifier, qu'en cas de doute les arbitres agissent d'une façon plutôt qu'une autre. Je sais que chacun voit les choses d'une certaine façon, et il y a souvent des gens qui viennent contredire ce que j'affirme. Oui, il y a encore des moments où le Real Madrid est "bien" arbitré, et quelques fois où le Barça l'est mal. Mais moins souvent. Il faut regarder cela comme une peinture impressionniste, en se tenant à distance, et pas coup de pinceau par coup de pinceau.
Nous avons même vu apparaître une affaire de "grâces", à l'été 2008. Pepe avait à purger un match de suspension datant de la Supercoupe de l'année précédente, et Dani Alves une datant de la fin de la Liga précédente. Les deux ont été grâciés, mais Pepe l'a été… juste après le premier match de Liga. Il a donc purgé son match, au final, alors qu'Alves, entre autres, avait été grâcié à temps et a pu jouer le premier match de la saison.
Il y a aussi quelques coïncidences qui méritent d'être mentionnées. Iturralde est la star du système arbitral. Il a déployé beaucoup d'énergie et d'enthousiasme, lors de leurs réunions d'arbitres, en faveur du "système". Il arbitre depuis de très nombreuses années en première division, a arbitré tout le monde de nombreuses fois, y compris le Real et le Barça. Et il est l'arbitre qui a arbitré le plus de défaites du Real à domicile (six), à égalité avec… son grand-père. La moyenne des résultats des matchs du Real sans Iturralde est bien meilleure que la moyenne des matchs qu'il a arbitrés. Pour Barcelone, au contraire, la moyenne est meilleure avec Iturralde que sans. Eh bien, il s'est vu attribuer le dernier Barcelone-Madrid (5-0). Il serait extravagant de lui imputer ce score et je sais que la simple évocation de cette affaire m'expose à la caricature. Mais s'il y a bien un moment où Madrid pouvait entrer dans la partie, c'est bien à 2-0 quand Victor Valdes, déjà averti, commettait un pénalty sur Cristiano… qu'Iturralde a refusé de siffler (3).
Iturralde a passé des années en première division, il a trop arbitré ces deux équipes.
Au fait, savez-vous qui nomme les arbitres en Espagne ? Un triumvirat. Pour représenter la fédération, Sánchez Arminio, un bon petit soldat. Pour la Ligue, Puentes Leira, rien à dire dessus. Et un troisième, Lopez Nieto, toujours en bonne relation avec le Barça, qui l'a invité à plus d'un trophée Gamper (4) et l'a appelé à arbitrer le grand événement de l'hommage à Cruyff.
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1. Minute de légende en fin de match de l'avant-dernière journée de Liga 2006-2007, lors de laquelle un but de Van Nistelrooy pour Madrid à Saragosse et un but de Tamudo (Espanyol) contre le Barça propulsaient le Real en tête du classement. Tête qu'ils n'ont plus quittée cette saison.
2. vidéo
3. vidéo
4. Match honorifique en présaison en l'honneur du fondateur du Barça, le Suisse Hans Gamper
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Partie 4 : Le villarato et l'UEFA
Eh bien, dites-moi, qu'est-ce que l'Europe vient faire dans tout cela ? Eh bien, Villar est vice-président de l'UEFA, également président de la commission de nomination des arbitres, un fait qu'en Espagne, à ma grande surprise, peu de gens connaissent. Gaspart (1) siège également à l'UEFA en tant que membre du comité des compétitions de clubs (Ligue des Champions et Europa League) rien de moins, tandis que Laporta, fait partie du bien nommé "Conseil stratégique du football professionnel", un poste dont je ne sais pas, soit dit en passant, s'il l'occupe encore.
Le Real Madrid, quant à lui, n'a personne là-bas. La personne la plus proche du Real est Fernando Hierro, qui a quitté le club en de très mauvais termes, et qui siège audit "Comité de Football", qui étudie des choses comme la modification des normes et des règles.
A contrario, Florentino a fait partie du "complot" de grands clubs appelé G-14, qui a essayé de se poser en contrepouvoir de l'UEFA. Cette mutinerie a été dissoute, mais les remous continuent.
Pour compléter un peu, Platini, depuis son arrivée, a été assez critique avec les grands noms du football, et très amical avec le football amateur. OK. Mais il l'a déclaré publiquement plus souvent qu'il n'aurait été souhaitable. Il a explicitement critiqué la signature de Cristiano (pour 95 millions), tout comme il a critiqué la façon de faire d'Abramovich. En fait, il a lancé l'initiative du « fair-play financier » pour limiter l'incorporation progressive de millionnaires aux clubs, qui, à son avis, fausse la concurrence.
Donc officiellement, le Barça est un club virtuose, et en plus il a ses entrées à l'UEFA. Madrid, quant à lui, est suspect.
Chelsea est encore pire que cela, presque considéré comme un ennemi du système. Il s'est glissé en finale (à Moscou, par "chance"). Mais à d'autres occasions, ils l'ont mis au bûcher. Particulièrement quand il croise le Barça, qui représente tout ce que Chelsea n'est pas. Ce jour-là, le scandale parfait a eu lieu : Abramovich en face du Barça. Et en plus, si Chelsea était passé, d'une part l'affiche aurait été la même que l'an dernier, et d'autre part elle aurait opposé deux clubs du même pays ! Tout cela explique l'arbitrage d'Øvrebø, qui a dépassé toutes les limites ce soir-là (2).
Donc, il n'est pas rare que le Barça se fasse habituellement bien arbitrer en Europe, et Madrid généralement plutôt mal. Le Barça a mis ses voiles dans le sens du vent. Pas au point d'avoir des Øvrebø trop souvent, quand même… Mais il n'est pas surprenant que, quand Guardiola exprime sa préoccupation à propos de la nomination d'un arbitre portugais pour un Barça - Real, ce dernier atterrisse dans l'autre demi-finale. Ou que quand Mourinho attaque publiquement cinq arbitres, c'est comme par hasard l'un deux qui est nommé pour le match suivant du Real. Résultat : Pepe dehors à 0-0, et s'ensuivent deux buts de Messi. Puis le but refusé à Higuain (annulation vraiment surréaliste) à 0-0, au retour. Deux coups de pouce opportuns. Cela ressemble à un accident, comme titrait AS. Mais au final, c'est le Barça qui passe.
Je ne blâme pas le Barça, ne soyez pas dupes. Le Barça ne fait rien de plus qu'être aux endroits où il faut être, ce que le Real avait toujours fait. Mais le Real actuel fait justement le contraire, il joue à quelque chose d'autre en croyant qu'il accèdera à la tête lors des mouvements à venir, chose qui n'a aucune chance d'arriver dans un futur proche. Et j'ai l'impression que Florentino ne comprend pas le monde du football, ou qu'il le comprend autrement.
Mais le fait est que le villarato et le platinato existent, et leurs causes et conséquences sont exposées ici. Je ne sais pas si vous avez eu la patience de lire jusqu'ici. Beaucoup sont sûrement partis au début, de dégoût. D'autres termineront ce texte, en se maudissant. D'autres considéreront cela comme une soit-disant vérité révélée, comme un enchaînement ingénieux et artificiel de faits à l'appui d'une thèse fantaisiste.
En tout cas, je tiens à préciser que villarato mis à part, j'évalue le jeu du Barça comme le meilleur que j'aie jamais vu, il me plaît beaucoup, bien que ce ne soit pas la seule façon connue de bien jouer au football. Je n'ai jamais vu une équipe jouer si bien et si régulièrement trente ou même quarante matchs par an, pendant trois années consécutives. Guardiola me semble un exemple, du moins dans la victoire… ce qui est presque toujours le cas (après la défaite en finale de Coupe, il a dérapé, certes). A Barcelone, le travail de formation est idéal et dans le tournoi de football à 7 de Brunete, et dans sa variante internationale aux îles Canaries, la délégation du Barça a toujours eu une conduite exemplaire, tant sur le terrain que les hommes en charge de garçons, l'entraîneur, les délégués, et d'autres. Xavi, Puyol, Iniesta et Piqué ont mon admiration au même niveau que les meilleurs joueurs espagnols que j'ai vu. Et Victor Valdes est grand gardien de but, qui a gardé dès son jeune âge le but du Barça, en supportant l'inévitable comparaison avec Casillas qui avait "décollé" un peu plus tôt. Messi m'apparaît comme un génie dont les limites sont peut-être au-delà de celles établies jusqu'ici par les plus grands. Au même âge, il a déjà fait beaucoup plus que Maradona. J'admire aussi l'amour d'un pays (sic) à "son" équipe, l'identification d'un club avec une idée, une terre, qui me tient beaucoup à coeur. J'ai écrit en bien, voir en très bien sur le jeu du Barça, bien plus souvent que je ne l'ai fait à propos du villarato, mais j'ai le sentiment que personne ne s'en souvient. Et jamais, jamais je n'ai pensé, ni dit, et encore moins écrit qu'il y a eu ou qu'il y a du dopage au Barça.
Ceci étant dit, je ne peux pas approuver ce petit jeu qui consiste à mettre les voiles dans le sens du vent pour amener des avantages, et que ces avantages se traduisent par un confort de jeu auquel ses concurrents n'ont pas droit.
Quant à l'argument selon lequel "Madrid avait droit à ces faveurs auparavant"... non, ça ne marche pas avec moi. Ce ne serait rien d'autre qu'une acceptation implicite de la théorie du villarato, comme si elle était justifiée par la nécessité de compenser une injustice historique.
J'ajoute que j'aime le football et cela ne signifie pas que vous devez penser que tout est manipulé ; mais seulement influencé. Ce n'est pas une conspiration de personnes autour d'une table, mais de petites subtilités. C'est vieux comme le monde et ça existe dans le football depuis toujours, je l'ai illustré en mentionnant toutes ces Coupes du Monde, et de nombreux épisodes récents pour Madrid ou Barcelone.
Une dernière chose : je me souviens d'un article de 2002, dans lequel j'ai condamné la victimisation du Barça et de Valence à l'égard des arbitres (suite à un incident qui aurait favorisé Madrid, je suppose ; il s'agissait peut-être de l'ushiro nage, qui sait). Eh bien, c'est simple : je ne crois pas que le Real devrait être une victime, ou même présenté comme tel. J'ai écrit récemment que les conférences de presse de Mourinho semblaient être une erreur qui ne mène nulle part. Ni Madrid ni personne ne devrait se plaindre des arbitres, car c'est au mieux stérile, sinon contre-productif. Je ne me souviens pas avoir écrit le contraire un jour. Je veux dire, qu'il faut éviter de se plaindre publiquement. On doit se plaindre discrètement aux autorités compétentes, ou si possible, s'y intégrer, partager avec elles, partir en voyage avec elles… mais certainement pas les affronter directement.
Je ne suis pas un "victimiste" et je ne peux pas l'être, parce que je ne suis pas une victime. Je ne suis arbitré par personne. Je dis ce que je vois, je dis ce que je pense sur ce que je vois, et je ne crains pas que d'autres pensent différemment. Ce qui m'inquiète, à la rigueur, c'est qu'ils se fâchent.
Que la meilleure équipe gagne, mais qu'elle gagne sans aide.
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1. Homme d'affaires catalan, président du Barça entre 2000 et 2003
2. Avec notamment 4 pénaltys possibles pour Chelsea (aucun sifflé) et la fameuse phrase "it's a fucking disgrace" de Drogba
On peut apprendre de l'Histoire des peuples que les peuples n'ont rien appris de l'Histoire (G. W. F. Hegel)