Posté 30 mars 2014 - 14:10
L'Est Républicain - 30/03/2014 à 10:38
Les Joyriders ont le blues
Ils n’organiseront plus de tifos. Pas davantage de déplacements à l’extérieur. Les plus fervents supporters du FCSM ont le moral comme leur bâche. En berne. Confidences.
Début du mois, dans un communiqué très officiel, les Joyriders Sochaux 1996, annoncent « un arrêt » de leurs activités pour une « durée indéterminée ». Ainsi en a décidé le comité directeur. L’association se met volontairement en sommeil.
Tous debout pendant les matchs. Jamais assis. Question de ferveur…
En sommeil comme une petite mort sans fleur, ni éloge ? « Non, une parenthèse dans la vie de notre groupe pour mieux rebondir », assure Fabrice, 41 ans, supporter actif depuis le balbutiement des ultras à Bonal il y a « 22 ans ». C’était en 1992. Quatre ans plus tard, en raison de « divergences », une poignée de supporters prend ses distances des ultras sochaliens pour constituer son propre mouvement « inféoder à personne ». Ainsi naissent les Joyriders Sochaux 1996 dont Fabrice est l’un des porte-parole.
Dix-huit ans, des centaines de chants à se casser la voix et autant de tifos (animations pour soutenir le FCSM) dans la tribune Nord de Bonal, des milliers de kilomètres à suivre les Jaune et Bleu dans leurs déplacements, bref tout cela plus tard, les Joyriders mettent en veilleuse leurs activités. Décision « empreinte d’humilité. Il s’agit d’une remise en cause », prise « à l’unanimité par le comité » mais « la mort dans l’âme », concède volontiers Fabrice. « Pour faire simple, on pose tout et on réfléchit pour mieux envisager l’avenir de notre club comme celui de la tribune », laquelle peut accueillir jusqu’à 360 supporters ultras. Tous debout pendant les matchs. Jamais assis. « Question de ferveur pour mieux pousser les joueurs vers la victoire ».
Sauf que même avec des supporters juchés sur la pointe des orteils, les saisons sportives du FCSM, qui frôle la relégation, sont… poussives. De quoi saper le moral des troupes. Les Joyriders l’ont au fin fond de leurs chaussettes. Ceci explique pour partie la crise traversée par les supporters. Mais pas que.
Marre d’être diabolisés, montrés du doigt comme des fauteurs de troubles
Les ultras de la tribune Nord en ont, disent-ils, ras la casquette d’être « diabolisés par la presse et les autorités » ; d’être systématiquement « montrés du doigt comme des fauteurs de troubles ». En somme comme les méchants de Bonal ? « Non. Comme des supporters actifs », riposte Fabrice. « Nos chants intensifs, nos messages acerbes quand le club est en déroute peuvent ne pas plaire à tout le monde. Maintenant, on n’est pas là pour plaire. Ce qui nous importe, c’est de faire gagner notre club ». Quand ils ont quelque chose à dire, ils ne s’en privent pas. Et tant pis si ça grattouille. « L’objectif, c’est de faire avancer le FCSM ».
Le faire avancer vers la victoire en stoppant le bus des jaune et bleu à l’arrivée à Bonal jusqu’à provoquer une échauffourée comme en décembre dernier ? Les services de l’ordre ont dû faire usage de gaz lacrymogène pour disperser les excités. « D’abord ce soir-là, il n’y avait pas que les Joyriders. Ensuite, excédés par des matchs décevants, un club qui n’était plus dans l’action, on a attendu le bus avant la rencontre dans l’optique de parler aux joueurs. On s’est heurté à une totale indifférence. Voire à du mépris. Ce qui n’a fait qu’envenimer les choses. Enfin, oui ce fut houleux. Oui on a tapé sur les vitres du bus. Mais il n’y a pas eu de casse, pas de violence physique ».
Les Joyriders appartiennent à la mouvance des « ultras ». Dans certaines oreilles, ça peut sonner comme « extrêmes ». « Extrême dans le sens que notre soutien au club sochalien est total. Pas un supportariat passif, mais actif pendant 90 minutes de match ; On vit à 100 % pour notre club. On a grandi avec lui. Il fait partie de notre histoire. Il est dans nos gênes ». Et surtout, pas de raccourci rapide ou d’amalgame avec les hooligans parce que sous ses dehors posés dans sa parka noire de belle coupe, Fabrice pourrait mordre : « Il n’y a pas de hooligans à Sochaux. On ne vient pas au stade pour casser mais dans un esprit festif et de victoire, pour l’amour d’un club, pour soutenir des joueurs afin qu’ils se dépassent, se surpassent ».
Le foot business pourri par le fric, ça nous déplaît
Bruyamment, intensivement mais ça, c’est la marque de fabrique des Joyriders dont le moteur repose sur un supportariat organisé sous l’égide d’une association. Laquelle s’essouffle. S’étiole. Elle vogue sans président au gouvernail depuis juillet dernier. « Les gens hésitent à prendre des responsabilités, à s’engager, à s’investir dans la vie associative du groupe », avoue Fabrice. « On ne dispose pas de local pour se réunir, C’est devenu difficile ». Des soucis internes, qui pèsent leur poids dans cette « mise en sommeil pour mieux se reconstruire ».
Le quadra, qui avait 10 ans quand il a assisté à son premier match à Bonal ne le cache pas : il est déçu par la tournure des événements. Autant par la crise interne qui secoue son groupe, que par le « foot business pourri par le fric. Toutes les belles valeurs fichent le camp et ça nous déplaît ». Ce qu’ils veulent les Joyriders, c’est retrouver ce qu’ils appellent « un contact charnel » avec les footballeurs du FCSM, « du partage et du dialogue au sein d’un club qu’on aime et qu’on veut voir grimper au sommet ».
Sous l’aire du président Lacombe, ce dialogue était « rompu » selon les ultras. « Cinq ans de présidence qu’on a payée au prix fort ». Avec Laurent Pernet, le nouveau président, ça semble aller « beaucoup mieux ». Les Joyriders ne jettent pas l’éponge, ne désertent pas la tribune Nord. « Seulement, autant un club de foot a besoin d’être supporté, autant les supporters ont besoin d’être encouragés ». Aussi simple.
Françoise JEANPARIS
« Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait » @ Mark Twain