Posté 21 septembre 2005 - 07:58
exploit des basketteurs français
LE MATCH DE LEUR VIE
Par Xavier COLOMBANI, à Belgrade
L'équipe de France a réusi un exploit considérable à Novi Sad. Elle a éliminé la Serbie-Monténégro à l'issue d'un match où son niveau de jeu a augmenté de minute en minute, avec notamment un Parker retrouvé, un Rigaudeau royal et un Florent Piétrus décisif (74-71). Revenus de l'enfer après un premier tour calamiteux, les Bleus affronteront la Lituanie tenante du titre en quarts de finale, jeudi à l'Arena de Belgrade.
Rigaudeau dans le 5 à la place de TP
On a entendu des reporters qui sillonnent le monde depuis plusieurs dizaines d'années dire qu'ils n'avaient jamais vu cela. On a vu un DTN et un président de Fédération aller étreindre un entraîneur qui ne savait plus vraiment où il était. On a relu ces textes qui disaient que l'équipe de France n'avait jamais battu, ni la Yougoslavie, ni la Serbie-Monténégro, sur son terrain. On a surtout vu un match historique, monumental, considérable - même si on ne parle pas ici de niveau de jeu, même si on n'est pas serbo-monténégrin. On a vu en fait un demi-match. En première période (35-44), les Bleus ont joué à plusieurs reprises comme ils l'avaient fait au premier tour, avec une naïveté défensive, une fébrilité offensive sous le cercle et un jeu de passes stérile à la périphérie. Et une nouveauté, Rigaudeau à la place de Parker dans le 5 majeur.
Mais il semblait que la place existait pour passer devant et s'échapper. Parce que les Serbes jouaient mal, tout simplement. Parce que l'ambiance du Spens Center, sorte du bureau géant de l'ancien secrétariat du PC local, avec ses rideaux en tafta, ses sièges de velours beige en tribune présidentielle et sa musique balkanique traditionnelle avant le coup d'envoi, était aussi à mille lieues d'être le lieu infernal que l'on pressentait. Puis il y a eu une seconde période, que les Bleus ont attaqué de la même façon que la première : avec un Rigaudeau à la mène et à la marque, un capitiaine qui a tout vu mais qui en voulait encore. Et un Parker sur le banc, qui avait déjà marqué plus de points (6) que sa moyenne mais qui continuait de s'échiner à faire le tour de la raquette en vain. Puis le match de basket est devenu match de boxe.
Les rebonds de Florent Piétrus
Un duel à raconter, plus qu'à commenter. Récit : au début du troisième quart-temps, les Serbes sont restés quatre minutes sans marquer. Rigaudeau et Gelabale ont posé les fondations d'un 9-0 (44-44, 24e). Les « Plavi » ont répondu par un 9-1 avec deux tirs à trois points réussis par Vladimir Radmanovic (45-54, 28e). Puis soudainement, Tony Parker a retrouvé son coup de rein, tête en avant. Il n'avait pas le choix : Antoine Rigaudeau venait de sortir pour quatre fautes à un quart d'heure de la fin. Cyril Julian s'était blessé à un mollet. Et Mickaël Piétrus jouait vraiment sur une jambe. Puis TP a fait la différence sur son drive pour la première fois du tournoi (58-57, 31e). Les Serbes ont manqué trois tirs à trois points de rang et l'écart est monté à +5 (63-58, 33e). Puis cela a été au tour des Bleus de rester bredouille trois minutes (63-64, 36e).
Chaque équipe a rendu coup pour coup mais il restait un facteur X extrêmement inquiétant : la capacité des Serbes à tout rentrer en fin de rencontre après avoir tout raté. Cependant, l'homme de la fin de match a été français. Florent Piétrus a régné sur la fin de la rencontre, jouant avec un temps d'avance sur tout le monde. L'ancien Palois a sauvé la mise aux Bleus à plusieurs reprises, en prenant avec des rebonds offensifs, dont une claquette, plusieurs lancers francs réussis. Tout s'est mis à marcher et Boris Diaw a réussi un contre sur une contre-attaque serbe. Tout s'est mis à l'endroit et les Bleus sont repassés devant à l'énergie (68-72, 39e). Revenu sur le terrain, Dejan Bodiroga a bien réussi ce tir à trois points tardif qui avait inquiété, mais Nenad Krstic a été crédité de deux fautes offensives coup sur coup (71-73, 40e).
Les Bleus ont gardé la main. A vingt secondes de la fin, Milan Gurovic a raté un tir à trois points ouvert. Lui qui avait crucifié les Etats-Unis au Mondial 2002 en en rentrant trois d'affilée ! Dans la dernière minute, Antoine Rigaudeau a pris le rebond mais a raté un lancer franc sur deux (71-74). Marko Jaric et Zelijko Rebraca ont, eux aussi, échoué dans leurs tentatives. Milan Gurovic a disposé d'une ultime occasion d'égaliser à la dernière seconde, trop court. Les défauts des Français sont en fait devenus ceux des Serbes, devenus imprécis à trois points après la mi-temps (6/12 avant, 3/13 après) et trop lents dans le repli défensif. Alors que les Bleus ont corrigé les leurs, en rentrant notamment 70% de leurs lancers francs et en s'offrant un banc grâce aux fines rotations de Claude Bergeaud. Parker médiocre en titulaire, cela déçoit, mais Parker bon en remplaçant, ça détonne. Mais ce n'était pas une soirée comme les autres.
Claude Bergeaud, sélectionneur de l'équipe de France : «Tout le monde a apporté sa pierre à l'édifice. On est en train de bâtir un mur. Il y a des jours ça se liquéfie, ce soir on a mis du ciment très costaud dans notre jeu. Ca a été très solide autant défensivement qu'offensivement. On a déstabilisé cette équipe-là parce qu'on a su rester dans le match le plus longtemps possible, autant sur le plan émotionnel que sur le plan du basket. On s'est dit: 'on va prendre tous les risques, peut-être ça cassera, peut-être ça passera'. Ce soir c'est passé et on est très heureux. Il faut qu'on arrive à se remobiliser avant la Lituanie, il faut qu'on ait peur d'eux. On n'a rien fait. Si on veut remplir notre objectif, finir dans les six premiers, il faut gagner au moins un des deux matches qui nous restent à jouer. Sinon, on reste sur un exploit historique de battre la Serbie, mais ça aujourd'hui je m'en moque.»
Tony Parker, meneur des Bleus : «Si on retrouve notre jeu comme ça on peut faire un malheur.»
Mickaël Pietrus, ailier : «C'est plus qu'extraordinaire, personne n'y croyait à part le staff et les joueurs. Ce matin les Serbes disaient dans la presse qu'ils allaient nous manger le poulet sur le dos. Ca me fait plaisir de gagner ici en Serbie devant '20.000 personnes'. Mais il ne faut pas s'arrêter là, il faut aller au Mondial, c'est toujours l'objectif premier.»
Florent Pietrus, ailier : «Personne n'imaginait ça, Il faut rester humbles, on n'a encore rien, rien n'est fait. Jusque-là on n'avait pas encore eu l'occasion de mettre notre jeu en valeur, là c'est fait.»
Antoine Rigaudeau, capitaine de l'équipe de France : «C'est un exploit, il n'y a pas d'autre mot. Nous avons tenu sur quarante minutes malgré quelques passages à vide. On a joué comme il le fallait, sur nos qualités et sans avoir peur de l'ambiance.»
Cyril Julian, pivot de l'équipe de France : «Nous savions qu'ils allaient trembler chez eux devant leur public si jamais on arrivait à les mettre sous pression. On y est arrivé en les poussant dans leurs derniers retranchements. Mais il ne faut pas s'enflammer car l'objectif n'est pas encore atteint.»
Très beau discours de Claude Bergeaud, j'espère que Bijotat s'en inspirera...
Sochaux COMTOIS NENNI TA FOI