Tony Yoka affrontera le 15 Janvier le franco-camerounais Carlos Takam, un vétéran de la catégorie (40 ans) ayant récemment donné du fil à retordre à Joyce et qui a également affronté par le passé Joshua, Povetkin, Parker, Chisora entre autres. C'est de loin l'adversaire le plus reconnu de Yoka jusqu'ici. C'est un "choix" assez étonnant car Yoka avait dit il y a quelques mois qu'il ne souhaitait pas un tel combat contre son ami Takam. C'est néanmoins une très belle occasion d'enfin se faire connaître du public mondial (entendez par là "américain") et, surtout, pas sûr que Tony ait tant le choix que ça, pour différentes raisons autres que purement sportives.
D'autre part, on a vu Canelo Alvarez unifier la catégorie des super-moyens. Il aura pour cela, battu et même surclassé, en moins d'un an (!) les 3 autres champions des 3 autres fédérations, dont certains pourront discuter le niveau mais qui étaient tous 3 invaincus. On attendait logiquement son arrivée définitive dans la catégorie supérieure, celle des mi-lourds; or il combattra en Mai 2022 Makabu, le champion WBC de la catégorie encore supérieure, celle des lourds-légers. Le champion le plus abordable, le moins connu en tous cas.
Alvarez est aujourd'hui LE boxeur le plus influent au monde.
Il s'est fait connaître au niveau international (donc américain, n'est-ce pas) il y a environ 10 ans, chez les welters (~67 kilos). Chez les super-moyens là où il évoluait jusqu'alors, la limite est à 168 livres, environ 76 kilos. Et le voici donc prêt à combattre en lourds-légers dont la limite de poids est à 90 kilos.
23 kilos de différence en 10 ans, ça semble assez dingue, comment est-ce possible ?
Même les gens qui ne suivent la boxe que de loin savent bien sûr qu'il existe des catégories de poids, et que cette donnée est absolument et logiquement centrale.
Ce que beaucoup de monde ignore en revanche, c'est qu'il est possible lorsque deux combattants de deux catégories différentes s'affrontent (dans une logique de business, de spectacle, bien plus de sport), que soit conclu un "catchweight", autrement dit un compromis, un poids "entre deux". Ce poids est fixé par le boxeur le plus connu, celui qui attire les médias, le public, l'argent. C'est donc lui qui, en amenant tout cela, permet que le combat se fasse.
Ce boxeur est le "A-side" comme on dit outre-atlantique, la face A, comme la face A d'un 45 tours. Dans tout combat, il y a un A-side qui pose ses conditions, et un B-side qui accepte lesdites conditions (et encaisse le gros chèque qui, sans sarcasme aucun, changera sa vie).
D'autre part, la pesée ayant lieu environ 24 heures avant le combat, il est également fréquent, si fréquent qu'on pourrait dire systématique, de voir les boxeurs monter sur le ring avec un poids supérieur à celui normalement admis par la catégorie. Pour cela ils se déshydratent à fond pour la pesée, puis se réhydratent les heures précédant le combat. Il existe également des "clauses de réhydratation" qui empêchent les boxeurs de faire un trop grand yoyo et de "lisser" la différence de poids, déjà grande sur le papier mais encore plus importante à cause de la réhydratation. Le B-side subit donc, d'une certaine façon, une double contrainte de poids.
Alvarez ne combattra donc évidemment pas Makabu à 90 kilos. Un catchweight autour de 85 semble possible. Le Mexicain atteint déjà facilement les 80 kilos lorsqu'il combat en super-moyens. Makabu lui, tout en étant plutôt petit pour sa catégorie, est plus grand qu'Alvarez mais sera évidemment amaigri, déshydraté et donc affaibli le jour du combat.
Voilà comment on peut donc retrouver sur le même ring deux boxeurs initialement séparés de deux catégories, donc séparés, sur le papier, de 15 kilos.
Et voilà, aussi, comment on peut être champion dans 4, 5, 6 catégories de poids différentes.
Alvarez est un personnage clivant. Excellent boxeur, businessman redoutable, un des rares combattants pouvant choisir qui il va combattre, quand et comment, le tout sans promoteur. Bien sûr on ressent comme un sentiment d'injustice, d'inéquité : grossièrement, pour ses détracteurs, il combat des mecs au niveau moyen et/ou pris au bon moment (vieillissants, ou sortant d'un combat dur, etc) et au bon poids (jouant sur le sien, et le leur). Il combat aussi, le plus souvent, à Las Vegas, là où le public latino, et les juges, sont de son côté. Raflant ainsi les ceintures.
Sa seule défaite à ce jour, il l'a connue en 2013 contre Floyd Mayweather; le seul combat où, comme par hasard, il était le B-side. Il était déjà une étoile montante, mais Floyd était le roi du business. Canelo s'était donc vu imposer les conditions du combat. Gageons qu'il ait beaucoup appris de cette défaite, sur le ring déjà, mais surtout en dehors.
Ce qu'on lui reproche finalement, c'est peut être de nous rappeler que la boxe est un business où scrupules, morale et états d'âmes n'ont bien souvent pas droit au chapitre.
On entendra beaucoup parler de ce combat, qu'on présentera comme hallucinant, improbable etc, et qu'Alvarez va remporter. Il est un très grand boxeur qu'aujourd'hui très peu de monde peut battre ou même ne serait-ce qu'inquiéter. Mais comme l'Equipe ou autres médias en feront un des plus grands etc. il est bon, peut être, de savoir aussi ce genre de choses.
Sinon hier soir Terence Crawford a rappelé (apparemment c'était nécessaire pour certains), en battant Porter, qu'il était dans le top 3 pound for pound des boxeurs actuels. Spence l'a bel et bien évité, et continuera de l'éviter. L'avenir est peut être pour Crawford, chez les super-welters.
Et Hassan N'dam n'a jamais semblé aussi proche de la retraite. Il est grand, grand temps que cela s'arrête pour lui, les risques deviennent importants.