Posté 30 novembre 2010 - 09:17
Je comprends tout à fait l'enthousiasme par rapport au jeu du Barça, c'est une démonstration de jeu collectif, de science de la démarcation, des appels de balle, de la qualité de passe, rien ne manque. C'est une équipe qui se connaît par cœur et qui, quand elle a cette motivation débordante, est quasiment imbattable.
En face, le Real a été le faire-valoir parfait pour cette démonstration. Un sparing partner inoffensif, gentil. Onze agneaux tout blancs sans la moindre agressivité. Qui veut gagner contre le Barça commence par lui appliquer un pressing d'enfer quitte à être cramé à la mi-temps. Mais les 5 premières minutes ont donné le ton : le Real allait regarder le Barça jouer. A la mi-temps, le Real avait fait 2 ou 3 fautes. Dans un sens, c'est bien, mais ça traduit aussi un gros manque d'agressivité, de présence dans les duels. Conséquence, une possession de balle à deux tiers / un tiers pas très étonnante. La routine pour le Barça. Mais le pire, c'est que quand le Real a eu la balle, il a fait n'importe quoi, ne pouvant enchaîner trois passes. Ils se chiaient littéralement dessus, pétrifiés par la peur de foirer. Benzema, invisible, le cul entre deux chaises (dézoner pour apporter du soutien ou rester devant en point d'ancrage pour maintenir le Barça assez bas ?), n'a touché que 2-3 ballons. Même les milieux offensifs n'en ont quasiment pas eu de bons à jouer. Bref comme l'a très bien résumé Mourinho, "une équipe a joué à son meilleur niveau, l'autre à son pire". C'est très dommageable pour l'image du Real parce que des millions (milliards ?) de footix (et il doit y en avoir quelques-uns ici) ne regardent la Liga que lors du Clàsico, et en déduiront peut-être que le Real est une équipe toute moisie, et le Barça l'équipe parfaite, ultime. Mais leurs niveaux respectifs ne sont pas représentatifs des prestations moyennes en Liga. Quelqu'un qui n'a pas vu le match d'hier mais Ajax - Real et Barça - Copenhague tirerait des conclusions bien différentes, voyez ?
Sans chercher d'excuses au Real (tactique pourrie, joueurs trop tendres), on peut quand même pointer des circonstances aggravantes, qui ont rendu le match facile au Barça et le score ample.
Le caillassage du bus madrilène à son arrivée à l'hôtel sous l'œil bienveillant de la police catalane, le campement de boixos negros devant l'hôtel pour foutre le boxon toute la nuit comme c'est la tradition, sont des débuts d'explication.
Higuain finalement inopérationnel.
Dans le match, les Blaugrana ont eu pas mal de réussite sur les deux premiers buts, et l'arbitre s'est ensuite chargé de briser le peu de révolte madrilène en deuxième moitié de 1ère mi-temps. En ne laissant pas l'avantage alors que Benzema était en très bonne position après un excellent contrôle, puis en ne sifflant pas un possible pénalty de Valdès sur CR. Je ne l'aurais pas sifflé car Valdès touche le ballon d'abord, mais il faut savoir qu'en Espagne, ce genre d'action donne péno 9 fois sur 10 car l'attaquant le peut pas tenter de récupérer le ballon. Il a aussi laissé Messi sur le terrain alors qu'en allant au bout de ses idées, il aurait dû l'expulser pour une deuxième simulation en début de deuxième mi-temps. Et pour l'anecdote, il y a certainement un léger hors-jeu sur le troisième but. Ça n'aurait pas changé les choses qualitativement, mais quantitativement peut-être un peu.
Non, le truc qui a fait que j'ai passé une soirée horrible, c'est ni le jeu ni le score, c'est l'état d'esprit de Barcelone. Ces types ont tout pour être l'équipe parfaite : un jeu léché et souvent efficace, une ou deux divisions d'écart avec toutes les équipes de Liga... Mais pour une raison que j'ignore, ils font preuve d'une mentalité vraiment minable. C'est peut-être ce que Pierre Minus exprimait plus haut. Évidemment les gens ne retiendront que les pétages de plombs de CR et de Sergio Ramos, sans s'attarder bien longtemps sur ce qui a pu les déclencher.
La provocation fait partie intégrante du jeu de Barcelone, même par des types élevés au rang de Saints comme Iniesta ou Messi. L'usure et la déstabilisation mentales sont une partie de leur tactique : Coup d'envoi pour Madrid. Trois passes. Cristiano reçoit la balle vers la ligne de touche, puis est séché sans ménagement après 20 secondes de jeu.
A 2-0, le Barça paraît intouchable mais Guardiola (encore un Saint, tiens), soit par provocation, par gain de temps tactique ou par pur antijeu (pas très glorieux dans tous les cas) empêche CR se prendre le ballon et jouer la touche rapidement. Symptomatique et navrant... Super aussi, les deux changements consécutifs (et non simultanés) où les Catalans sortants ont bien pris le temps de saluer tout le monde, arbitres compris, avant de regagner le banc.
Quand le pressing madrilène s'est fait un peu plus agressif, les feuilles ont commencé à tomber. Festival de chutes spectaculaires suite à de micro-contacts (Alves, Iniesta, Xavi, Messi, Pedro, Bojan dans la surface), de provocations (que susurrait Messi à 3 cm de l'oreille - ou plutôt l'épaule - de Carvalho par exemple ? Pourquoi Iniesta, Piqué et Valdès parcourent un demi-terrain pour jouer les justiciers quand il y a un accrochage entre CR et Guardiola ?).
Quand il y a provocation il faut savoir garder ses nerfs, certes, mais j'aurai toujours beaucoup plus de compassion pour celui qui cède (souvent le plus durement sanctionné) que pour le provocateur.
Bref, chacun est libre de se délecter du jeu barcelonais mais c'est dommage que sous ce prétexte, on leur passe (pas seulement le grand public, mais les instances également) un tas de choses lamentables, surtout qu'ils n'en ont pas besoin pour s'imposer.
Aujourd'hui, Ramos et Alonso seront jugés pour leurs cartons volontaires en C1. L'affaire des sifflets de Pinto a été classée sans suite (c'est que Copenhague après tout, hein). Guardiola n'a rien à craindre apparemment pour son acte d'antijeu hier. Bon, soit...
On peut apprendre de l'Histoire des peuples que les peuples n'ont rien appris de l'Histoire (G. W. F. Hegel)