"C'est une histoire invraisemblable, à faire peur, vérifiée à des sources fiables, une histoire de stigmates et de Christ", prévient l'un des biographes de Bernard-Henri Lévy, Philippe Boggio, en racontant l'étonnante rencontre de Dominique de Villepin et de BHL.
PARIS (AFP) - En mars 1997, le philosophe, qui se trouve à l'île Maurice, déprime. Son film "Le jour et la nuit" est un échec retentissant. Le secrétaire général de l'Elysée, Dominique de Villepin, qu'il ne connaît pas, lui téléphone.
"Il (Dominique de Villepin, ndlr) aime l'échec, écrit le biographe dans son livre +Une vie+, il est curieux de ceux que frappe un tel revers". Impatient de voir BHL, il lui demande de passer à son bureau dès l'arrivée de son vol à Paris, au petit matin.
Alors que Jacques Chirac "passe la tête" pour voir peut-être à quoi ressemble "un perdant notoire", Dominique de Villepin, affable, monologue sur Alexandre (le héros du film, un écrivain retiré au Mexique pour fuir son impuissance créatrice). "Il s'égare dans une sorte de rhétorique maurrassienne", raconte Philippe Boggio dans son livre. "Vous avez l'air d'un Christ sans plaies", lâche Dominique de Villepin tout à coup.
"La formule lui (BHL, ndlr) coupe le souffle. Il ne répond rien, il a l'impression que la tête lui tourne". Villepin parle toujours mais l'écrivain-philosophe ne l'entend plus. BHL abrège l'entretien et sort.
La journée de Bernard-Henri Lévy est "inexplicablement difficile". Ce "Christ sans plaies" le hante: il sent bien qu'il a un rapport avec son inconscient. Son sommeil est agité. En pleine nuit, il se réveille en criant: ses mains saignent! "Il a des sillons de sang à chaque paume, la peau s'est craquelée en plusieurs endroits et suppure", écrit Boggio.
Gazes, pommades, bandages... Avec l'aide de sa femme, Arielle Dombasle, BHL tente de se soigner, fait le tour des hôpitaux de Paris puis de ceux de Londres et de Milan. "Après deux ou trois semaines, raconte l'auteur, ses blessures ont tendance à réapparaître en fin de journée et à se refermer la nuit". Au café de Flore, il laisse ses mains dans les poches. Il dicte ses papiers au Point, ne les écrit plus.
BHL revoit le secrétaire général: "pour chasser la gêne, Villepin plaisante. Il savait bien, s'étonne-t-il, qu'il avait un pouvoir, qu'il était un grand sorcier africain mais à ce point!". Villepin jure de garder le secret.
"C'est le signe de la psyché se débattant avec le corps de Bernard-Henri Lévy", résume Arielle Dombasle. BHL est "un hypocondriaque au carré, comme son ami Jean-Luc Lagardère", conclut Boggio, déjà biographe à succès de Boris Vian et Coluche.
Cette biographie (éd La Table Ronde, intitulée "Une vie"), est la troisième en quelques mois sur BHL, après les ouvrages de Philippe Cohen ("BHL: une biographie", éd Fayard) et de Jade Lindgaard et Xavier de La Porte ("Le B.A.BA de BHL", éd La Découverte). Des essais sur l'écrivain ont aussi été publiées récemment. Un tel phénomène - tant de livres, souvent à charge, en si peu de temps et sans actualité particulière - paraît unique dans l'histoire de l'édition française.