J'espère que cet Euro n'est qu'un accident de parcours et qu'il n'est pas annonciateur de ce qui nous attend dans les futures compétitions internationales !
C'est fini.
Au risque de jouer au vieux con, c'est terminé, au moins jusqu'à temps que la bulle dans laquelle le foot s'est enfermé n'explose pour de bon et se délivre d'une manière ou d'une autre des enjeux financiers qui le contraignent.
Des saisons à 60 matchs avec, pour le téléspectateur, pas un soir de répit dans la semaine, où l'on te crée des compétitions de merde Europa Conférence League bidule, où, parce qu'il ne faut pas déranger la diffusion de l'affiche du samedi en L1, on te cale les autres divisions ici le dimanche midi, là le lundi soir.
Une quête obsessionnelle de la performance athlétique et du gain marginal (ce que je dénonce également dans le vélo) avec la sensation de créer des robots et des machines dénuées d'identité (plus d'attachement au club, Bosman, individualisation de la société etc.), de personnalité (où sont les Gascoigne, les Canto, même les Van Bommel ou les Ibra ?) et connectées à des brassières de je ne sais quoi qui permettent de savoir je ne sais quoi à quel moment du match pour définir quelle donnée optimale ceci cela. On s'en branle, fais un footing et tape dans le ballon !
Un jeu qui tue l'instinct, où tout est calculé, millimétré, pensé en amont, où le schéma compte plus que les hommes et où les créateurs n'ont plus aucune place.
En ce sens, j'en veux beaucoup aux admirateurs béats de Guardiola que je n'ai cessé d'alerter sur le danger que représentait ce type pour le football, eh bien on y est, tout le monde cherche à marcher dans les pas de ce gourou des greniers qui considère le football comme un jeu d'échecs avec onze pions et chacun un rôle bien défini duquel il n'a absolument pas le droit de varier, et qui rend les joueurs, les hommes, totalement interchangeables.
C'est la disparition progressive du 9 à l'ancienne, c'est l'affaiblissement du 10, qui était le poste le plus élégant et admiré depuis toujours, c'est l'apparition de ces latéraux pistons auxquels on demande de jouer les essuie-glace pour compenser le déficit offensif global pensé et réfléchi pour moins s'exposer en défense, réduisant par définition la quête du jeu pour tous ceux qui cherchent à appliquer les mêmes préceptes mais avec des joueurs complètement chiches et non pas Xavi et Iniesta.
Résultat de quoi les "stars" de ce sport le sont parce qu'elles créent de la mousse et du storytelling autour de leur personnalité et de leur quête de gloire, et plus parce qu'elles sont des footballeurs avant tout.
Et tout va très, trop vite. Chaque année, tu as le nouveau fameux "crack" sur lequel tout le monde s'enjaille parce qu'il fait deux passements de jambe à 16 ans, le type est propulsé, oh la la, et puis il rentre dans le rang et finit avec le niveau de Francis Llacer.
Et ça tourne, t'as 15 gars dans une sélection en 2022 que tu ne retrouves pas deux ans plus tard.
Plus aucune identification possible, plus aucun ciment, plus aucune histoire à raconter sur le temps long.
Dans les années 90 et 2000, quand les Pays-Bas débarquaient, tu trouvais toujours les mêmes types, inamovibles, Van Der Star, Stam, Overmars, Davids, Cocu, Bergkamp, Seedorf, les De Boer, Kluivert ... tout le monde était identifié, des esthètes ou des bourrins, mais des personnalités doublées de joueurs de football qui racontaient une histoire à tout le monde, qui parlaient à tout le monde, que tu attendais de voir jouer et d'affronter.
Aujourd'hui, les Néerlandais débarquent à l'Euro, y a 15 gars dont tu ne connais pas le nom et qui n'étaient pas en sélection six mois plus tôt. Et c'est la même chose en L1, j'allume ma télé un dimanche, je tombe sur un match, je connais pas les 3/4 des gars qui jouent à Nantes, à Toulouse ou à Reims. Jamais entendu leur blaze. Un gars vient d'Utrecht, super, tu sais de toute façon que 18 mois plus tard il sera aux Young Boys ou à Bologne.
Mais tout le monde s'en fout parce que, de toute façon, tout est uniformisé et bidule est à peu près au même niveau que machin qui, de toute façon, a les mêmes caractéristiques que trucmuche puisque formé, entrainé, machiné de la même manière.
Même les stades ont la même tronche !
Tu regardes un match à Lyon, Nice, Lille, Bordeaux, au-delà de nos frontières Munich, Turin, Arsenal, City, c'est le même stade, les mêmes gradins, tout est uniformisé, t'as aucune idée, instinctivement, de qui joue où et où se trouve le match sur lequel tu viens de zapper.
Y a encore vingt piges, quand tu zappais et que tu tombais sur Lyon, Gerland t'envoyait tout de suite le message de là où tu te trouves, pareil pour le Parc Lescure ou le stade du Ray.
Les survivants sont ceux restés dans leur jus, Monaco par exemple, mais tous les autres suivent le même chemin, soit en construisant un nouveau stade qui ressemblera aux cinq autres construits précédemment (Rennes), soit en tentant de s'y approcher avec l'existant comme à Lens ou Saint-Etienne où on fait de la chirurgie esthétique.
A haut niveau, c'est finito ce sport, ça ne dégage plus aucune des émotions qui en faisaient la force, puisque déconnecté de tous les leviers qui t'y attachent, identification, esthétisme et dramaturgie (mise à mal par la VAR).
Les émotions, nous, on va les chercher en 3eme division française aujourd'hui, parce que, finalement, il y réside encore un peu de foot à l'ancienne, un peu bricolé à l'arrache, avec notre club proche de chez nous et proche de nous.
C'est aimer Sochaux avant le football, désormais.