La connerie humaine n'a décidément pas de limite
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C'est une pièce en acier d'environ 5 mètres de long au poids historique. La formule en allemand "Arbeit macht frei" ("Le travail rend libre"), connue dans le monde entier, figurait en toutes lettres métalliques au-dessus de la porte d'entrée de l'ancien camp d'extermination nazi d'Auschwitz-Birkenau, dans le sud de la Pologne. Entre 3 et 5 heures du matin, vendredi 18 décembre, cette inscription a été dérobée par des inconnus, suscitant une vague d'indignation dans le monde.
"C'est une profanation de l'endroit où plus d'un million de personnes (essentiellement juives) ont été assassinées. C'est honteux", a dit Jaroslaw Mensfelt, porte-parole du musée. Wladyslaw Bartoszewski, ancien prisonnier et aujourd'hui président du Comité international d'Auschwitz, a estimé que cette profanation représentait "le viol d'un lieu saint pour (la) mémoire nationale", dans la mesure où cette enseigne était accrochée à l'entrée d'Auschwitz I, où ont péri de nombreux prisonniers politiques polonais.
Les forces de l'ordre, mobilisées pour retrouver les auteurs du vol et placées sous forte pression politique, ont promis une récompense de 5 000 zlotys (1 200 euros) pour tout renseignement. Des barrages ont été installés sur les routes. Toutes les camionnettes sont inspectées. Les caméras de surveillance n'ont pas enregistré le décrochage de l'inscription, mais le moment où des individus la traînaient dans la neige, selon la presse polonaise.
"BOULEVERSÉ"
On ne sait si les voleurs sont reconnaissables. "Il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'une opération conduite par des gens spécialisés, qui ont agi très vite, entre deux tours de garde, sans se faire remarquer", explique le directeur du musée, Piotr Cywinski. Selon ce dernier, aucune tentative similaire n'avait jamais été constatée sur le site.
Le vol intervient deux jours après la décision historique de l'Allemagne de verser 60 millions d'euros à un fonds spécial mis en place début 2009 pour assurer la préservation des baraquements, lieu de mémoire de la mécanique d'extermination organisée par les nazis. Ces 60 millions constituent la moitié de la somme que comptent récolter la direction du musée et le gouvernement polonais. Interrogé par Le Monde sur la coïncidence entre ces deux événements, Piotr Cywinski s'est refusé à tout commentaire, en attendant les développements de l'enquête.
Le premier ministre polonais, Donald Tusk, a évoqué ce vol à Copenhague, au sommet sur le climat, avec le président israélien Shimon Pérès. Il a ordonné la mobilisation de tous les services de police, faisant de l'affaire "une priorité". Le président Lech Kaczynski s'est dit pour sa part "bouleversé et indigné". "Cet acte mérite la condamnation la plus sévère", a-t-il ajouté, appelant les Polonais à coopérer avec les forces de l'ordre. Cela relève de leur "devoir commun", estime M. Kaczynski.
A Jérusalem, l'institut Yad Vashem a fait part de son indignation dans un communiqué. Selon son président, Avner Shalev, "cet acte constitue une véritable déclaration de guerre, provenant d'éléments dont nous ne connaissons pas l'identité, mais je suppose qu'il s'agit de néonazis animés par la haine de l'étranger".
L'inscription "Arbeit macht frei" a été réalisée par un groupe de prisonniers. Ils auraient volontairement retourné la lettre B, en signe d'insoumission. Ce mot d'ordre avait été aussi placé à l'entrée des camps de Dachau, Gross-Rosen, Sachsenhausen, Theresienstadt et Flossenburg. Très rapidement après le vol, une copie de l'inscription a été accrochée. Elle avait été fabriquée au moment de la restauration de l'original.
Piotr Smolar