Je me suis mal exprimé pour les mutations des virus ; bien sûr que comme pour les bactéries, il y a cette "pression de sélection" due aux médicaments. Mais il semble que pour les bactéries il y ait un processus en plus, extrêmement pointu et performant, impliquant des enzymes activées par les antibiotiques (alors que l'antiviral n'agit a priori pas autrement sur le virus qu'en le butant, ou pas s'il est résistant). C'est dans ce
superbe papier que j'ai lu ça, ça vaudrait presque un Nobel franchement. Peut-être que PAF pourra expliquer plus clairement que moi...
Effectivement, je viens de lire l'original de ce papier paru dans Science. Je vais essayer d'en vulgariser les deux points importants.
1. Certains antibiotiques seraient capable d'activer le gène d'une enzyme appelée intégrase. Cette enzyme, comme son nom l'indique, permet d'intégrer une portion d'ADN étranger à son propre génome. Or, il faut savoir que les bactéries s'échangent volontiers des bouts d'ADN (des gènes quoi). Par exemple pour l'humain, une personne atteinte d'une maladie génétique pourrait remplacer le gène déficient en intégrant le gène d'un individu sain. C'est évidemment beaucoup plus facile lorsqu'on est composé d'une seule cellule, comme c'est le cas des bactéries. Et parmi ces gènes échangés peuvent se trouver des gènes de résistance à un antibiotique. Mais il faut qu'une bactérie aux environs possèdent déjà se gène de résistance pour qu'elle puisse le filer à une autre. L'article indique donc, que certains antibiotiques seraient capable d'accélérer le processus d'intégration de gène étranger dans le génome, donc d'accélérer l'acquisition de résistance nouvelle pour la bactérie réceptrice. La bactérie réceptrice peut ainsi recevoir plusieurs gènes de résistance de ses congénères environnantes et devenir une bactérie dite multi-résistante.
2. On pensait autrefois que l'acquisition d'un gène de résistance avait un coût pour la bactérie. Un coût en biologie évolutive se définirait comme tout mécanisme qui réduit la capacité de reproduction de l'organisme en question. Le fait de porter un gène de résistance coûte de l'énergie à la bactérie, qui pourrait, si elle ne l'avait pas, consacrer cette énergie à sa reproduction et être plus efficace que sa voisine. Par exemple une bactérie A se divise toutes les 20 minutes et la bactérie B, identique à A mais avec le gène de résistance se divise toutes les 22 minutes. Vous voyez qu'au bout d'un certain temps, la bactérie A va s'imposer dans un environnement donné.
Donc en l'absence de la pression de sélection due à l'antibiotique, la bactérie B a intérêt à se débarrasser de son gène de résistance. Et c'est ce qu'on croyait qu'il se passait. Or il apparaît que les gènes de résistance aux antibiotiques pourraient être rendu silencieux sans coût biologique, et donc se maintenir dans le génome et dans les populations de bactéries, favorisant les multi-résistances, puisqu'elles ne coûtent plus. Ainsi la bactérie dégainerait son gène de résistance correspondant uniquement en cas de nécessité.
La meringue est parti pour se faire vacciner.
Et toi PAFomètre ?
Alors, je vais te répondre en tant que citoyen et non pas en tant que microbiologiste, car je fais de l'écologie microbienne (avec le vrai sens du mot écologie), donc il me manque certaines notions de microbiologie clinique et d'épidémiologie.
Il suffit d'évaluer les risques. Qu'est-ce que je risque si je ne me fais pas vacciner, qu'est-ce que je risque si je me fais vacciner. A l'heure actuelle, le risque de complication respiratoire ou de décès est beaucoup plus important que le risque
hypothétique d'effets secondaires graves. Le problème c'est également que les épidémiologistes raisonnent à l'échelle des populations, alors que la population raisonne à l'échelle de l'individu.
Et je pense que cette campagne de vaccination est aussi en grande partie politique et économique. A l'heure où on entrevoit la fin de la crise économique, si le 1/3 de la population est clouée au lit, c'est pas bon pour l'économie.