France, pays des droits de l'homme ? Le rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, présenté jeudi 20 novembre, invite à nouveau à poser la question, notamment en ce qui concerne les détenus et les étrangers. Ce texte fait suite à la visite en France du commissaire, du 21 au 23 mai.
Immigration et politique du chiffre.
S'alarmant des conséquences d'une politique "centrée sur la réalisation de chiffres", le commissaire appelle sans détour le gouvernement à "ne plus recourir à la détermination du nombre de migrants à reconduire". La pression engendrée par une telle politique pousse les forces de l'ordre à procéder à "de plus en plus d'interpellations avec des méthodes parfois contestables", comme des contrôles "au faciès", constate-t-il. Pour "exceptionnelles" qu'elles soient encore, ces "pratiques illégales démontrent l'impact que peut avoir une politique où le quantitatif prime parfois sur la nécessaire obligation de respecter les droits des individus."
Et M. Hammarberg de s'alarmer des arrestations qui, en dépit d'instructions donnée par le ministre de l'immigration, ont eu lieu dans l'enceinte même d'écoles et de préfectures. Des lieux qui, relève-t-il, "devraient être des lieux protégés où aucun étranger ne devrait pouvoir être interpellé". "Il est à craindre, insiste le commissaire, que les services administratifs, confrontés à une obligation de résultat quant aux objectifs de retour, appliquent la loi d'une manière de plus en plus mécanique et sous un angle plus répressif ne leur permettant souvent plus de mesurer la réalité des situations humaines derrière chaque dossier."
Régularisations.
L'absence, depuis 2006, de tout texte définissant "précisément les critères et les preuves à apporter" pour bénéficier d'une régularisation, "accroît le caractère potentiellement arbitraire" de ce processus, relève le commissaire qui constate "une diminution importante du nombre de personnes régularisées" depuis la suppression du dispositif de régularisation après dix années de résidence en France.
Centres de rétention.
Le commissaire s'alarme du caractère "déshumanisé" persistant de certains centres qui accueillent les immigrés en situation irrégulière. Les vives tensions dont a été le théâtre celui de Vincennes doivent inciter les autorités françaises à "revoir de façon critique l'ensemble des conditions prévalant dans les centres et à les humaniser". Aussi, constatant l'accroissement du nombre d'enfants en rétention, M. Hammarberg déplore que "les problèmes juridiques et humains" qui en découlent soient "totalement sous-évalués par les autorités françaises".
Surpopulation carcérale.
Le commissaire appelle le gouvernement à "répondre immédiatement aux conditions inacceptables de détention des détenus contraints de vivre dans des cellules surpeuplées et souvent vétustes". L'accroissement de la population carcérale est dû "principalement" au "durcissement des peines prononcées", observe-t-il, relevant que depuis 2002, "une série de lois a modifié la politique pénale en accentuant sa dimension répressive".
"Sept détenus sur dix sont écroués dans des établissements surpeuplés", s'alarme en outre le commissaire. Or, "toute surpopulation engendre automatiquement une carence en terme de surveillants, de travailleurs sociaux ou de personnel administratif". Pour lui, "détenus et personnels subissent tous les dysfonctionnements de la gestion pénitentiaire française".
Les réponses du gouvernement au problème ne satisfont pas pleinement M. Hammarberg. La création de 13 000 places supplémentaires d'ici 2012 est insuffisante car la création de nouvelles places n'est pas "propre à offrir une solution durable au problème du surpeuplement". Il déplore que les travailleurs sociaux soient "en sous-effectif flagrant et les moyens à leurs dispositions insuffisants".
Rétention de sûreté.
Le commissaire demande "une extrême précaution dans l'application de la rétention de sûreté", qui prévoit l'enfermement des criminels dangereux une fois qu'ils ont purgé leur peine. Elle ne doit pas "mener à un emprisonnement perpétuel". Il redoute "le risque d'arbitraire qui découle de l'appréciation de la dangerosité du criminel", constatant que "la France semble manquer d'outils pour évaluer avec précision cette dangerosité". "La logique du risque zéro ne devrait pas devenir la règle, au détriment des libertés individuelles."
Mineurs.
Thomas Hammarberg s'inquiète du "durcissement de la justice juvénile qui se caractérise notamment par l'instauration de peines planchers" pour les mineurs. "Le problème des jeunes délinquants ne sera pas résolu par des peines plus dures", explique-t-il. Son avis sur les établissements pour mineurs est "globalement positif", mais il constate qu'une minorité d'enfants sont emprisonnés dans ces établissements, qui sont déjà aux prises avec un manque de moyens. A Meyzieu, le commissaire a constaté que "les activités extrascolaires, bien que louées par l'encadrement et les enfants, avaient été supprimées faute de moyens".
Allons z'enfants. Lol