Posté 19 mai 2005 - 17:16
Je ne suis pas fan, loin de là, de Emmanuelli, ancien Mitterandien si ma mémoire est bonne.
Mais est-il populiste, négationniste ou xénophobe ?
Loin de là, comme Fabius.
Voila son interview, que je trouve plein de bon sens, dans l'Est du jour:
Emmanuelli : « Le non c'est l'action le oui c'est la soumission »
Avant sa venue à Metz, l'un des principaux porte-parole du non insiste sur les dangers d'une Europe ultralibérale qui déconnecte le social de l'économique. Tour d'horizon avec un socialiste qui ne pratique pas la langue de bois et n'attend rien du retour de Jospin.
Propos recueillis par Pierre TARIBO
- Quelle vision de l'Europe inspire et justifie votre position en faveur du non ?
- Je suis pour une Europe démocratique où les citoyens puissent savoir comment et par qui sont prises les décisions. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Je suis aussi pour une Europe indépendante. Jusque là, on nous disait que la défense européenne devait être élaborée en harmonie avec l'OTAN. Là, elle se définit dans le cadre de l'OTAN. Donc c'est sous contrôle américain.
Je voudrais enfin une Europe sociale. Or je constate que toutes les directives sont des directives de libéralisation et de dérégulation. Je vois un traité qui pose en principe d'organisation économique et sociale une concurrence libre et non faussée. Ce qui signifie par exemple, la condamnation des services publics et de l'action publique.
Car je dis haut et fort, que c'est une hérésie de prétendre déconnecter le social de l'économique. Moi, je vois l'Europe comme quelque chose qui nous tire vers le haut tous ensemble et non comme quelque chose d'ultralibéral qui après avoir créé la paix, crée la guerre économique en son sein.
- Pour vous, la Constitution c'est le triomphe de l'ultralibéralisme ? Du dumping social ?
- Les libéraux européens sont des ultras par rapport aux Américains. Ce qui n'est pas peu dire. Je ne suis pas protectionniste, mais si on ne protège pas les secteurs en danger, on va à la catastrophe sociale et, dans ce domaine, nos dirigeants font preuve d'un aveuglement et d'une irresponsabilité qui confinent au cynisme.
- En France, la Constitution cristallise un mécontentement qui souvent n'a rien à voir avec la question posée.
- C'est vrai qu'il y a dans notre pays un fort mécontentement social, de l'inquiétude et de la morosité. Mais je pense que l'élément dominant reste le rejet de l'Europe telle qu'elle est.
« Blair dit non à tout »
- Que répondez vous à ceux qui affirment que si le non l'emporte, la France sera affaiblie et isolée en Europe ?
- Je trouve cet argument méprisable. Que Jacques Chirac dont le rôle est de tracer la route et d'exalter l'avenir dise à son pays « si tu ne t'agenouilles pas tu perdras ton influence » est consternant. Je n'ai pas observé que Blair qui dit non à tout fasse perdre de l'influence à son pays. Je crois plutôt qu'il fait mine de monter dans le wagon de queue pour se retrouver dans la locomotive. Je le répète, il ne faut pas que les Français écoutent ceux qui partent vaincus d'avance.
- Quand Jacques Delors concède qu'il peut y avoir un « plan B », vous jubilez ?
- Non, je trouve cela triste. Delors a dit qu'il n'était pas tenable que dans un pays comme la France - fondateur et principal pays contributeur de l'Europe - on essaie de faire avaler n'importe quoi aux citoyens. Aujourd'hui, sous la pression de ses « amis », il se rétracte. J'ai de la peine pour lui. Etre obligé, à son âge, de dire ce que j'ai déclaré était faux, n'est pas un très beau spectacle.
- Lorsque certains disent que chez nous le débat est tronqué, ont-ils raison ?
- On dit merci à Chirac d'avoir fait un référendum. Mais il n'avait pas le choix. La tradition française veut que pour ratifier une Constitution, c'est le peuple qui choisit. Le vrai débat, il faut bien insister là-dessus, concerne toute l'Europe qui doit savoir si elle choisit le triomphe de l'ultralibéralisme alors qu'il faut sauver l'emploi au lieu de s'abandonner au libre échange et au monétarisme. Cela dit, oui, le débat est déséquilibré.
- Vous avez le sentiment qu'il y a une omniprésence du oui dans les médias ?
- Franchement si l'on en reste aux médias audiovisuels, il y a un parti-pris préoccupant. En fait, ce phénomène en recouvre un autre. C'est la coupure qui existe entre le microcosme médiatico-politique et l'opinion française. Quand M. Sarkozy fait un meeting, il y a un reportage sur la préparation du meeting, le déroulement du meeting, la suite du meeting. Pour nous, c'est plus restreint...
« Le sondage du 29 mai »
- Si l'on en croit les sondages, le nombre des indécis reste élevé. Quels sont vos arguments pour les convaincre et les inciter à vous rejoindre ?
- Les sondages, je me méfie. Toutes ces histoires de redressement et de correction par rapport à ceci ou à cela, me laissent dubitatif. Pour moi, le seul sondage qui compte, c'est celui du 29 mai.
Aux indécis, je dis que le non c'est l'action alors que le oui, c'est la soumission. Si le non l'emporte, les dirigeants devront réagir sur l'emploi et la croissance.
« L'Europe est un nain politique »
- L'Europe est supposée nous rendre plus fort. Mais elle tergiverse au moment d'endiguer le déferlement du textile chinois alors que les Etats-Unis fixent immédiatement des quotas. N'est-elle qu'un tigre de papier ?
- Lorsque les Etats-Unis ont eu leur sidérurgie en danger, ils ont mis 60 % de droits de douane. Sur le textile, ils réagissent immédiatement. Nous on fait une enquête. La vérité c'est que pour l'instant l'Europe est un géant économique menacé et un nain politique.
Il y a une confusion dans l'esprit de ceux qui nous dirigent aujourd'hui. On leur appris que si on perdait des activités anciennes, ce n'était pas grave car on gagnait des activités de pointe. Alors que là, tout s'en va. On le voit avec les emplois d'IBM par exemple ou de ST Micro.
La différence avec le siècle dernier, c'est qu'il y avait des droits de douane, des lenteurs dans la transmission des savoirs et pas de libre circulation des capitaux. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. On risque gros !
- Dire que l'avortement est menacé, n'est-ce pas aller trop loin dans l'argumentation ?
- Je maintiens que figure dans la Constitution le « respect du droit à la vie », le slogan des mouvements anti-avortement, ce qui représente un danger potentiel. Car si un jour les juges de la Cour de justice européenne sont ultra-conservateurs, que va-t-il se passer ? Si, il y a vingt ans, on m'avait expliqué qu'un jour en Alsace une entreprise proposerait à ses salariés un reclassement en Roumanie pour 115 euros par mois, j'aurais dit « vous plaisantez ». Et pourtant cela arrive. Alors, pour moi, le risque est réel. Pour Gisèle Halimi aussi.
« Ce traité n'est pas révisable »
- Parlons du PS et de la gauche. Vous avez dit « ële oui ne rassemble pas la gauche, il la divise ». Mais vous même, vous êtes en opposition avec le choix des militants socialistes qui se sont positionnés en faveur du oui lors du référendum interne...
- On a un problème dans les deux cas. Si le non l'emporte, il faudra trouver une synthèse avec ceux qui ont voté oui. Si le oui gagne, il faudra convaincre les non du PS, ceux des Verts, plus le PC, les altermondialistes et l'extrême gauche : c'est plus difficile !
Le référendum interne c'est de l'arithmétique. Or moi, je fais campagne devant les électeurs socialistes, pas devant les militants. Le PS c'est 100.000 adhérents et là on parle de millions d'électeurs. Ce traité, s'il passe, n'est pas révisable et je ne veux pas être responsable de cet abandon.
- Vous êtes en première ligne du combat pour le ënon, mais dans le camps du refus il y a des gens que vous ne fréquentez pas habituellement. Cela ne vous gêne pas ?
- Les mêmes qui tentent de faire ce très mauvais procès n'étaient pas gênés lorsque l'extrême droite se prononçait contre la guerre en Irak. Comme eux ! Ce genre d'amalgame vous savez... Je trouve d'ailleurs que la campagne menée sur ce thème est une campagne qui déshonore ceux qui la font et non ceux qu'ils visent. Je ne leur reproche pas d'être avec Sarkozy, Seillière, Giscard et Chirac !
- Après le 29 mai, quel que soit le résultat, le PS devra se rassembler. Ce sera possible de réunir les socialistes des deux rives ?
- Le oui des deux rives mène à la dérive. J'avais prévenu les socialistes. On a fait notre choix. Mais ensuite, il faudra trouver les moyens de parvenir à un compromis. Là encore, après avoir mené campagne avec Chirac, Sarkozy comment allons-nous convaincre les électeurs de gauche, que les socialistes auront un projet différent pour 2007 ? Si le oui l'emporte, c'est Chirac qui rebondit et qui retrouve des perspectives.
J'ai voté Chirac une fois pour sauver la République, on ne me refera pas le coup pour sauver l'Europe.
- Jospin qui revient c'est le retour du patron qui n'a pas été remplacé ?
- Je laisse à la presse le soin de jouer avec ce genre de spéculation : ce n'est pas le problème des Français, ni le mien.
« Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait » @ Mark Twain