C'est une dépêche de l'agence Associated Press qui révèle cette information qui sent le soufre: selon une étude néerlandaise, les personnes obèses ou fumeuses coûtent moins cher en frais médicaux que les autres.
Pieter Van Baal, auteur de l'étude et économiste pour l'Institut de santé publique des Pays-Bas, résume les conclusions de ses recherches d'une simple phrase: "Si on vit plus longtemps, on coûte plus cher au système de santé."
Avec ses collègues, Pieter Van Baal a créé un modèle évaluant les coûts de santé pour trois groupes de 1 000 personnes: un groupe de fumeurs, un groupe d'obèses et un groupe de gens minces et non-fumeurs. Leur espérance de vie a été évaluée à, respectivement, 77 ans, 80 ans, et 84 ans pour les personnes en bonne santé.
Or, comme le montrent les graphiques de cette étude, ce sont dans les années de fin de vie que les frais médicaux s'envolent: à 75 ans, les dépenses annuelles de santé sont quatre fois plus importantes qu'à 25 ans. Et elles ne cessent d'augmenter avec l'âge.
Conséquence: un fumeur, entre ses 20 ans et sa mort, aura coûté 326 000 dollars, une personne obèse aura engendré des dépenses évaluées à 371 000. Le montant des soins administrés au dernier groupe se chiffre lui à... 417 000 dollars!
Catherine Hill est chef de service de biostatistique et d'épidémiologie à l'Institut Gustave Roussy, et auteur de nombreux rapports sur le tabagisme et la mortalité. Les résultats de cette étude ne la surprennent pas:
"On entend ce genre de discours depuis longtemps, largement repris par les associations de fumeurs. Il est certain qu'en terme de retraites, un fumeur est plus rentable pour l'Etat.
"Mais entre ceux qui survivent à leur cancer, ceux qui développent des maladies bénignes mais coûteuses... il y a trop de données, dont certaines non quantifiables. Pour moi, le coût du tabac est incommensurable."
"Il faut ajouter les taxes que paie le fumeur sur le tabac"
Certaines associations, en effet, sont ravies des résultats. Et le collectif national pour la préservation de nos libertés (noslibertes.org), d'en remettre une couche:
"A cette somme, il faut rajouter les taxes que paie le fumeur sur le tabac. Sachant que l'État prélève, en France, 80 % du prix de vente TTC, il gagne donc 4,04 euros sur un paquet (...).
Si on prend une durée moyenne de tabagie de vingt ans, avec un paquet par jour, on arrive à la somme de 29 492 euros de bénéfice pour la collectivité.
Si on rajoute ensuite les sept ans de retraite, que la collectivité ne paiera pas au fumeur, cela nous fait sept fois douze mois, d'une pension moyenne qui est de 1 302 euros, soit 109 368 euros. (...) Une somme qui devrait faire réfléchir l'Etat dans ses décision en matière de politique de santé."
"Est-ce que je préfère être une bonne affaire ou voir grandir ma fille?"
Gérard Audureau, président de l'association Droits des non-fumeurs, et membre de l'Alliance contre le tabac, ne voit pas les choses du même oeil:
"Le panel est-il représentatif? Même stress au travail, même activité physique? Tout cela compte. Et les ex-fumeurs? De plus, c'est le coût total qui est considéré ici, alors que les dépenses de santé par année de vie est plus élevé chez le fumeur.
Et que dire des nombreuses visites chez le médecin pour des emphysèmes, ou du coût pour les entreprises des arrêts maladies, plus fréquents pour un fumeur!"
Pour Catherine Hill, finalement, il faut élargir l'horizon de cette étude:
"Le tabac pourrait se résumer à cette question: est-ce une bonne ou une mauvaise affaire? La question se pose pour le plaisir immédiat, la convivialité. A long terme, elle pourrait se poser en ces termes: est-ce que je préfère être une bonne affaire financière, ou voir grandir ma petite-fille?"
Etre une bonne affaire financière, voilà au moins de quoi donner du baume au coeur aux 60 000 Français qui meurent chaque année des conséquences du tabac.