Posté 05 septembre 2014 - 07:20
Le billet d'humeur de Vincent DULUC dans l'équipe
"Un rêve qui s'effondre
Injustifiable
La Ligue de football professionnel a donc fini par expédier Luzenac par le fond, après un été procédurier et pitoyable, qui aura montré l'indulgence de ces puissants pour leurs amis et leur intransigeance pour les faibles. En balayant toute idée de démagogie, un reproche trop facilement convoqué sitôt que l'on épouse une cause semblable, on a le droit et sans doute le devoir de s'indigner de la transformation des règles qui régissent depuis toujours le football européen.
Il y a un an, Frédéric Thiriez a publié un livre intitulé : Le foot mérite mieux que ça. D'une part, il a raison. D'autre part, on trouvait dans ces pages tous les germes du poison qui a endormi Luzenac pour longtemps. Car le président de la LFP avouait « réfléchir à une amélioration du système ouvert, créateur d'insécurité pour les investisseurs », et estimait : « Le Championnat fermé à l'américaine, ce n'est pas le diable. »
Car c'est de cela qu'il s'agit : le refus de laisser monter Luzenac est une manifestation de la remise en cause du système pyramidal qui est l'essence même du football français, et un pas en avant dangereux vers la protection artificielle des grandes familles installées.
Ce mépris pour la belle aventure sportive d'un club d'un département rural est une faute. Il faut, certes, envisager qu'elle soit partagée. La LFP a raison de regretter que ceux d'entre eux qui accèdent à la Ligue 2 se contentent de transformer les droits télé en masse salariale sans rien construire, sans vision de l'avenir. C'est l'un des effets les plus pervers de la mutualisation des droits télé, qui permet à des clubs venus du National de se retrouver en Ligue 1 en deux ans, pendant que les clubs relégués de L 1 sont étranglés par les charges et s'affaiblissent sportivement pour faire des économies. De même, la plupart des épisodes écoulés établissent que les dirigeants de Luzenac ne sont pas les dirigeants du siècle, c'est entendu.
Mais la responsabilité du football français consistait à rendre cette histoire possible, précisément, et à faire en sorte que le Championnat National, au confluent du professionnalisme et de l'amateurisme, conserve un sens. Puisque le National est géré par la FFF, on aurait aimé entendre la voix de la Fédération, ainsi que celle de son président, qui, à l'échelle de la Ligue 1, a longtemps dirigé un club de village.
La LFP, coupable d'avoir présenté des arguments différents au fil du dossier – si l'argument du stade était décisif, il aurait dû venir en premier –, n'a pas géré avec la même intransigeance le dossier de Lens, tout le monde l'a remarqué. Avec Lens et Valenciennes, la Ligue a eu des préventions comme on en a pour ses amis. Avec Luzenac, elle n'a été que cynisme, traçant nettement une frontière entre les mondes. Qu'elle prenne garde à ce que les grands Championnats européens, à terme, n'aient pas la même volonté de séparer les univers, en lui rappelant qu'on est toujours le pauvre de quelqu'un."