Nouvel épisode d’une saga qui a débuté il y a plus d’un an à Montbéliard avec, fin de semaine dernière, le placement sous contrôle judiciaire du magasin Leclerc. Il s’agit sinon d’une première judiciaire en France, du moins d’une décision fort rare qui fera jurisprudence.
Planté au Pied des gouttes à Montbéliard, l’hypermarché Leclerc est dans la tourmente judiciaire depuis le 30 juin 2006.
Ce soir-là, en plein inventaire, l’inspection du travail et l’Ursaff, qui enquêtent depuis 2004 sur des heures supplémentaires impayées débarquent à l’hyper en compagnie de la police pour un contrôle inopiné. Tandis que des responsables du magasin retiennent les inspecteurs à l’entrée, d’autres rassemblent dans la précipitation les 48 employés requis pour l’inventaire et, pour les soustraire à la vue de la direction du travail, les enferment dans une réserve pendant trente-cinq minutes. Ce dans l’obscurité totale et avec l’interdiction formelle de discuter ou de téléphoner, « sous peine de se faire licencier », selon un employé.
Une dizaine de plaintes
« Il ne s’agit pas de séquestration mais d’une tentative de dissimulation. Mon directeur a eu une mauvaise réaction. Il sera sanctionné », précisait quelques jours plus tard le P.dg du centre E. Leclerc de Montbéliard.
Reste que la machine judiciaire se met en route. Depuis cette « réclusion salariale » au Leclerc, le juge d’instruction chargé du dossier a effectué un transport sur les lieux, procédé à la mise en examen du directeur et d’une chef de rayon pour séquestration et entrave à la liberté du travail, tandis qu’un troisième salarié a été mis en examen pour entrave aux missions de l’inspection de travail. Il a refusé de fournir certaines pièces de comptabilité. Dans le même temps, le syndicat CGT s’est constitué partie civile tout comme une dizaine de salariés.
200 000 euros de caution
Nouvel acte judiciaire à la fin de la semaine dernière, et pas des moindres, avec le placement sous contrôle judiciaire de la société Montdis (hypermarché Leclerc) pour une durée de six mois (notre précédente édition). Une décision si peu commune qu’on ne trouve trace de précédent dans les annales judiciaires.
« En prenant une telle décision, le juge d’instruction a souhaité garantir les droits des salariés, explique la CGT. Désormais, l’entreprise ne peut plus prononcer de sanctions disciplinaires ou de licenciements de quelque nature qu’il soit ».
Me Jeannerot, administrateur judiciaire, a été désigné par le magistrat instructeur pour contrôler « le respect des textes concernant la durée de travail, la rémunération et l’application de la convention collective ».
Au-delà de la protection des droits des salariés, ce placement sous contrôle judiciaire permet d’éviter d’éventuelles pressions sur les témoins ou les victimes.
Par ailleurs, la société a été mise en examen pour non paiement d’heures supplémentaires. Entre autres. Elle a été astreinte à verser 200 000 euros de caution.
Source : LePays d'aujourd'hui