"Bay-rou, président! Pensez à nous quand vous serez au pouvoir !" C'est en chef d'Etat potentiel que François Bayrou a arpenté les rues de Saint-Denis, en banlieue parisienne, où il a reçu un accueil chaleureux.
Est-on à un tournant ? Les dizaines de journalistes qui suivaient le candidat de l'UDF à la présidentielle se posaient la question, tant l'attitude du public à l'égard du député centriste semble avoir évolué en peu de temps.
Le 9 février dernier, François Bayrou avait passé la journée dans les quartiers de Mantes-la-Jolie dans les Yvelines, où il avait été reçu avec politesse et curiosité. Un peu plus d'un mois et une montée en flèche dans les sondages plus tard, l'élu centriste a reçu à Saint-Denis un accueil encore plus encourageant.
"Bonne chance, bon courage". Dès son arrivée sur le quai de la gare du Nord, où il a pris le RER en direction de la banlieue Nord, François Bayrou est interpellé par des dizaines de voyageurs. Du haut de l'escalator, certains font le "V" de la victoire. "Quelle va être votre politique africaine ?", demande un homme. "Qu'allez-vous faire pour les sans-papiers ?", ajoute un autre entre deux poignées de main. "La victoire est à vous, à bas les rigolos!", lui lance un admirateur en tentant de se frayer un chemin.
A son arrivée en gare de Saint-Denis, avec déjà une heure de retard sur le programme prévu, une dame interpelle François Bayrou et le député de Seine-Saint-Denis Jean-Christophe Lagarde. "J'ai quatre enfants, je suis auxiliaire de vie, je gagne la moitié du smic et je n'arrive pas à trouver un emploi fixe". Un jeune père de famille menacé d'expulsion demande aussi audience.
"STAR EN BANLIEUE"
"Bay-rou président", entendra-t-on ensuite régulièrement sur le passage de François Bayrou dans la principale rue commerçante de Saint-Denis.
"On ne dit cela que quand il y a une possibilité que cela arrive", commente un membre de l'entourage du député béarnais, qui oscille entre 22% et 24% d'intentions de vote pour le premier tour dans les derniers sondages.
Tandis qu'il continue sa tournée d'une boucherie à un magasin de vêtements, un journaliste de la télévision irlandaise enregistre son sujet : "A six semaines de l'élection, 45% des Français ne savent pas encore pour qui ils vont voter", fait-il remarquer.
"C'est une folie, c'est un phénomène extraordinaire, un homme de droite qui est reçu comme une star en banlieue, c'est une chose étonnante", commente à Reuters Domenico Quirico, du quotidien italien La Stampa.
"C'est un escroc comme les autres", lance en écho un passant, visiblement agacé par l'attroupement.
Avant un déjeuner tardif, François Bayrou prend encore le temps de critiquer devant les journalistes l'idée de Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale.
"L'identité nationale, ce n'est pas une affaire de ministère. Quand on a un minimum de souvenirs de l'Histoire de France, qu'on veut un pays apaisé, on ne fait pas d'amalgame de ces deux mots. Une chose à faire, c'est de ne pas dresser les gens les uns contre les autres en faisant croire que la Nation est menacée", déclare-t-il à deux pas de la basilique où sont enterrés les rois de France.
"Le devoir d'un président de la République, c'est de faire vivre les Français ensemble", ajoute-t-il.
Reuters
qu'on le veuille ou non, il existe un phénomène Bayrou qui dépasse les clivages politiques établis depuis des lustres. Il va falloir s'y faire, l'histoire est en marche.