Le Matin de ce matin :
«Je n'ai jamais aussi bien joué!»
ROGER FEDERER Vainqueur pour la troisième fois de suite sur le gazon du All England
Roger Federer n'aime rien tant que parler. S'expliquer, partager. Et, tout au long de la quinzaine qu'il a conclue hier en remportant son troisième titre de champion de Wimbledon, le joueur bâlois aura stupéfié son monde par l'aisance avec laquelle il s'exprime dans les quatre langues qu'il maîtrise à la perfection: l'anglais, l'allemand, le français et le... Schwyzerdütsch, dialecte jusque-là parfaitement ignoré de la presse anglo-saxonne et dont Roger Federer lui-même a expliqué qu'«il était celui dans lequel il conversait avec... une partie de son pays, la Suisse».
Hier, après avoir passé «que» une heure et quarante minutes dans le saint des saints, le mythique Center Court du All England, il a enchaîné pas moins de... dix-huit interviews et conférences de presse: au total plus de trois heures à répondre aux questions les plus diverses, avant de filer sabler le champagne en compagnie de l'ambassadeur de Suisse en Angleterre, puis de s'en aller «honorer de sa présence» la soirée des champions dans un grand hôtel de Londres.
Roger Federer, bien sûr, a dit tout le bonheur qu'il avait ressenti au moment de conclure son récital face à son ultime contradicteur, l'Américain Andy Roddick. «Quand j'ai mené quatre jeux à trois dans la troisième manche, je me suis surpris à calculer qu'il ne me restait plus que huit points à gagner sur mon service pour toucher à mon rêve», se souvenait-il. Parce que, «oui, j'avais rêvé de le faire. De réussir ce pari qui consistait à remporter trois fois de suite ce que je considère comme le plus grand tournoi du monde.»
Enfin les vacances!
Cet exploit, seul Björn Borg et plus tard Pete Sampras l'avaient réalisé avant lui. Dès lors qu'il l'a fait, Roger Federer se sent-il autorisé à prétendre devenir leur égal? «Je suis devant la porte...», disait-il. Hésitation, bref silence: «Disons que j'ai mis un pied dedans...»
La question, évidente, lui a été posée de savoir jusqu'où il pensait pouvoir aller. «Là? Maintenant? En vacances... Demain (aujourd'hui) , ce sera la première fois que je pourrai rentrer chez moi immédiatement après une victoire en Grand Chelem. Et j'entends bien en profiter!» Plus sérieusement: «Je ne sais pas combien de titres majeurs je serai encore capable de remporter. Mais, ce que je sais, c'est que je n'ai sans doute jamais aussi bien joué qu'aujourd'hui. Et, pour être franc, je ne pense pas être capable de mieux jouer que cet après-midi. Ce sentiment, je ne l'avais jusqu'ici éprouvé qu'une seule fois, l'an dernier, quand j'ai battu Lleyton Hewitt en finale de l'US Open. Aujourd'hui, j'ai retrouvé les mêmes sensations, cette manière d'état second, cette petite voix intérieure qui vous dit et vous persuade que rien de fâcheux ne peut vous arriver.»
Au micro de la chaîne de télévision BBC, John McEnroe avait parlé de «la zone». Traduction de Roger Federer: «Je comprends ce qu'il a voulu dire. C'est lorsqu'on se sent si bien que tout devient incroyablement facile. C'est un ace qui sort de votre raquette lorsque vous en avez besoin, un passing-shot qui jaillit lorsque l'adversaire vous agresse. Vous-même êtes incapable de dire pourquoi et comment ce coup est parti... Il est parti, et c'est tout. Dans ces moments-là, c'est vrai, vous vous dites: «C'est pas mal ce que tu viens de faire...»
Pas mal, vraiment!