bon, pour ceux que ça intéresse et qui ont le temps, voilà les MPs qu'on s'est échangé
(Ajoulot)
hello!
Je ne vais pas répondre sur toute ta (longue) réflexion du troquet, mais la fin me laisse quand même perplexe. Je préfère te répondre en MP, sinon on risque d'ouvrir un débat trop dangereux...
L'occupation a été inhumaine, je ne vois pas comment tu peux en douter, mais visiblement les historiens qui t'inspirent, de courants révisionnistes, font leur effet.
Sans parler des viols, des sévices physiques et psychologiques, tu devrais au moins savoir que les rations alimentaires octroyées par l'occupant étaient inférieures au besoin journalier, même si mises en parallèle avec les nombreuses déportations (même si on peut discuter sur le nombre) effectuées dans la même période sont dérisoires.
C'est précisément parce que ça fait maintenant plus de soixante ans que nous devons être vigilents et arrêter de vouloir minimiser cette occupation.
Enfin, quand tu dis que par rapport à ailleurs c'était encore acceptable, je ne sais pas si on peut comparer ce qui s'est passé en France (ou en Suisse) avec d'autres pays, tant ce fut inhumain.
Quant à Le Pen, même si moi aussi je suis attaché à la liberté d'expression, il y a longtemps que ces paroles auraient dû l'envoyer en prison. La loi punit la diffamantion, le révisionnisme et la xénophobie. A part une année d'inéligibilité et quelques milliers d'euros d'amende, il n'a jamais été inquiété.
Tout d'abord, je dois te rassurer sur mes influences politiques ou historiques, elles sont aux antipodes de ce que tu as l'air de penser ! Pour parler de ce genre de trucs, il faut prendre de multiples précautions, je veux bien le comprendre, mais j'avoue que ça me lasse un peu ; paresse sans doute pas très glorieuse. J'ai fait de l'Histoire ma profession, je ne te ferai pas l'injure de te balancer un CV comme certains en balancent ici pour donner crédibilité à leurs propos, mais je veux t'assurer que je ne me permettrais pas non plus de parler avec légèreté de tout ceci ; après, bien sûr, comme toute opinion la mienne peut-être discutée - j'accepterai toujours d'en parler avec n'importe qui- mais j'aimerais qu'elle puisse l'être en toute séreinité, je veux dire entre personnes sérieuses, responsables et animées d'aucune mauvaise intention ( c'est à peu près mon cas !). Avant de te répondre, je voudrais faire une dernière remarque, c'est qu'il ne faut pas confondre révisionnisme et négationnisme, même si ce dernier essaie souvent de se dissimuler derrière le premier ; il est normal en Histoire comme dans toute discipline que les convictions d'hier soient toujours affinées ou remises en question à la lumière des nouveaux éléments apportés par la connaissance ; le terme n'a pas forcément un sens négatif ( ainsi des révisionnistes par exemple du procès de Dreyfus ), mais il a de nos jours une connotation péjorative, du fait qu'on le rattache toujours au négationnisme sur la shoah et la solution finale ; en quelque sorte, le négationniste nie l'existence d'évènements, tandis que le révisionniste remet en question des thèses historiques ; car l'Histoire n'est pas le passé, mais un récit du passé produit à une certaine époque, dans un certain contexte, et parfois selon certains intérêts...
comme n'importe qui, Jean-Marie Le Pen a le droit d'exprimer une opinion ; celle ci, on peut la discuter ( comme tout ), mais elle a largement sa place dans le débat publique. Or, on s'aperçoit qu'on lui refuse cette place, et qu'on refuse de la discuter !
Cette frilosité du débat conduit inévitablement à une frilosité de la pensée ; comment penser librement en effet si on s'interdit d'emblée certaines pistes de réflexion, certaines thèses mêmes, de peur d'être conduit en justice et d'être mis au pilori, et quoi qu'il arrive, d'être ostracisé par ses pairs intellectuels. Pas de quoi être fier...
On prête à Le Pen des intentions qui sont à mon sens bien difficiles à démêler ; à mon avis, cette question est vaine, car au même petit jeu, il faudrait se demander déjà quelles sont les intentions des médias et des politiques qui nous assènent quotidiennement et depuis des décennies une vérité auto-proclamée, qui serait tout aussi sujette à discussion, mais dont la remise en cause fait peur. Cette vérité, prononcée par De Gaulle à l'hôtel de ville de Paris, est celle, pour le paraphraser, de la France outragée, humiliée, mais libérée par elle-même ( sic ! ). Posée ainsi, je pense que les réponses à la question seraient autrement plus intéressantes.
Pour ce qui est de la notion d'inhumanité, il ne s'agit pas de la nuancer, mais de déterminer si dans tel cas, on peut parler d'inhumanité, si dans tel autre il ne vaudrait pas mieux parler de dureté ou de brutalité. ça me fait penser aux débats qui peuvent avoir lieu sur le nombre de personnes tuées lors d'un génocide, par exemple l'holocauste ; certains trouvent choquant de se livrer à ce calcul macabre ; moi, je trouve ça normal et complètement justifié, par rigueur intellectuelle, mais aussi par respect pour les victimes ; lorsque 5 membres de sa famille sont morts dans des camps, ce n'est pas comme s'ils avaient été 6, ou 7, ou 2, ou 10 ... Il faut être précis. A plus forte raison, 10 millions ne sont pas 6 millions !!!
Il faut être précis également sur la façon de qualifier les agissements ; car si tout est "inhumain", finalement plus rien ne l'est ; l'encouragement au viol ou au pillage systématique comme le pratiquaient les nazis sur le front de l'est ou en Grèce, c'est clairement inhumain. Le rationnement sévère, la réquisition de main d'oeuvre, l'imposition de lourdes sanctions économiques, tout ceci a beau être insupportable, je le conçois parfaitement, ça n'appartiennent pas à l'évidence au même genre de pratiques.
Sur la notion d'inhumanité, il serait difficile de donner comme ça une définition ; c'est un concept bien flou, qu'est ce qui est humain, qu'est ce qui ne l'est pas, même l'idée que l'homme puisse être inhumain est assez paradoxale, et dévoile peut-être une certaine forme d'hypocrisie par rapport à ce qu'on est vraiment ; je dis ça bien sûr en l'air, sans y avoir vraiment réfléchi, on pourra sans doute me démontrer le contraire. Quoi qu'il en soit, les historiens préfèrent parler de brutalisation. Il reste que d'après moi, il est quand même important de comparer les situations ; nul n'a le monopole de la souffrance, mais certains ont bien plus souffert que d'autres. Je ne dis pas tout celà pour finasser ; car enfin, qu'un pays souffre moins de la présence du même occupant qu'un autre, celà a des raisons, multiples bien entendu, mais on peut déjà en entrevoir une qui est celle du rapport instauré par l'occupé avec l'occupant... Les conditions de travail et de vie des jeunes français envoyés au STO en Allemagne étaient très difficiles, mais sans commune mesure avec ce que subissaient d'autres catégories de populations transférées. Le rationnement sur les produits de consommation courante était lourd, mais la France n'a pas connu de famine comme c'était le cas en Grèce (40 000 morts dans la seule région d'Athènesentre octobre 41 et 1942, probablement autour de 250000 sur l'ensemble du territoire entre 1941 et 1943 ). C'est en ce sens qu'on peut dire que l'occupation allemande en France, comparée à ce qu'elle fut dans d'autres pays ( ce sont les mots mêmes de Le Pen ), ne fut pas particulièrement inhumaine.
Sur le sujet qui nous occupe, on parle bien de l"'occupation nazie", il faut repérer ce qui en relève, et ce qui relève de la politique générale du reich. La politique juive n'est pas spécifiquement liée à l'occupation ; les allemands ont essayé de la mettre en pratique dans les pays sur lesquels ils avaient autorité, avec un succès qui dépendait largement de la coopération ou pas des forces de l'ordre du pays occupé. Je citais l'exemple du Danemark, qui s'est complètement opposé à ces mesures, j'ai fait une recherche rapide, et voilà, je lis dans un livre d'Histoire que" la population juive y a survécu pour l'essentiel". La France a pris l'initiative, seul pays à le faire avec la Norvège de Quisling, de mettre en place les lois anti juives ; elle porte une très lourde responsabilité dans ce qui est arrivé aux juifs, français ou non, qui se trouvaient sur son sol ; en vérité, cette responsabilité est proprement atroce ; la police française arrêtait les populations, assurait leur garde dans des camps français ( car il n'y avait pas de camp d'extermination en France contrairement à ceux qui se multipliaient derrière le front à l'est ) pour permettre leur départ vers l'Est ; la sinistre rafle du Vel d'hiv,par exemple, était bel et bien l'oeuvre de la police française. Cette responsabilité, il a été bien facile de s'en décharger sur les occupants allemands ; mais au bout de soixante ans,une fois de plus, je pense qu'il serait tant de regarder en face cette réalité historique que la France de cette époque était peut-être victime, mais au moins tout autant bourreau.