lundi 9 octobre 2006, 8h57
Le 9 octobre 1981, il y a 25 ans: "la peine de mort est abolie" en France
Par Isabelle LIGNER
PARIS (AFP) - Le 9 octobre 1981, il y a 25 ans, une phrase lapidaire publiée au Journal officiel mettait un terme en France à un affrontement politico-philosophique vieux de deux siècles et signait l'arrêt de mort de la guillotine: "la peine de mort est abolie".
Six mois après l'arrivée de la gauche au pouvoir, la France mettait ainsi un terme à cette pratique que la Révolution avait souhaité "humaniser" avec la guillotine: en 1848 Victor Hugo s'élevait contre une "barbarie" et en 1908 Jean Jaurès dénonçait le "dogme de la fatalité" qui "détourne les nations de la recherche des responsabilités sociales dans le crime".
Le 17 septembre 1981, le Garde des sceaux de François Mitterrand, Robert Badinter, prononce un discours enflammé à l'Assemblée nationale. "Aucun homme n'est totalement responsable, aucune justice n'est absolument infaillible, ce qui rend la peine de mort moralement inacceptable", lance l'avocat. "Une justice qui tue n'est jamais juste", explique-t-il, 25 après, dans un entretien à l'AFP, car avec la peine de mort "le crime change de camp".
L'avocat n'a jamais oublié "le claquement sec de la lame sur le butoir" lors de l'exécution un petit matin de novembre 1972 de Roger Bontems, à qui il avait promis: "vous en sortirez". Il sauva ensuite la tête de Patrick Henry, en 1977, jugé pour l'enlèvement et l'assassinat d'un enfant.
Si le thème déchaîne les passions d'élus tiraillés entre leur conscience et l'opinion de leurs électeurs (62% des Français sont favorable au châtiment suprême à l'époque), le 18 septembre 1981, 363 députés dont 37 RPR et UDF voteront l'abolition de la peine capitale (contre 117).
Dès 1972, l'Union de la gauche avait inscrit l'abolition dans son programme commun et lors de la campagne présidentielle de 1981, François Mitterrand avait affirmé: "dans ma conscience, je suis contre la peine de mort".
Entre 1954 et 1961, pendant la guerre d'Algérie, la guillotine, surnommée "la Veuve", avait fonctionné à plein régime avec 222 Algériens exécutés.
Sous le général de Gaulle, 11 condamnés à mort avaient été guillotinés pour des crimes de droit commun et 19 graciés, sous Georges Pompidou trois exécutés et 12 graciés tandis que Valery Giscard d'Estaing laissait monter à l'échafaud trois condamnés dont en 1976 Christian Ranucci, un jeune homme de 22 ans condamné pour le meurtre d'une enfant et qui avait toujours clamé son innocence. L'année suivante, l'exécution de Hamida Djandouli faisait de la France le dernier des 12 pays de la Communauté européenne à avoir appliqué la peine capitale.
En 1981, six condamnés à mort sauveront leur tête mais l'abolition conduit également à une explosion des longues peines, notamment de la perpétuité qui augmente de près de 56% entre 1981 et 1988.
"Cette banalisation de la perpétuité ou de peines à très longue durée aboutit à transférer le rôle du bourreau au personnel pénitentiaire", déplore un syndicaliste de la profession sous couvert de l'anonymat.
Si le rétablissement de la peine capitale paraît aujourd'hui des plus improbables pour des raisons techniques et politiques dans le contexte européen, 42% des Français y demeurent favorables selon un sondage de septembre.
Politiquement, les Français proches de l'extrême droite sont massivement pour - 89 % chez les partisans du Front national - et 60% des sensibilités proches de l'UMP.
Régulièrement, les partisans de la peine de mort parmi lesquels l'ancien ministre Charles Pasqua ou l'association Légitime défense, donnent de la voie notamment après des meurtres et viols d'enfants, ou des récidives.
Merci.