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OM : Drogba transféré, des commissions assurées
mercredi 9 janvier 2008 par Xavier Monnier
Pape Diouf, agent de joueurs avant de prendre la tête de l’OM, le club marseillais, a-t-il organisé le transfert de Didier Drogba dans de drôles de conditions ? Bakchich publie un joli document exclusif
Superbement et respectivement 17e et 10e du distrayant championnat de Ligue 1-Orange (sic), le Paris Saint Germain et l’Olympique de Marseille [1] ne brillent guère plus par leurs résultats sportifs. Bien heureusement, leur rivalité demeure, surtout en cette période de mercato. À défaut d’animer le championnat, l’OM et le PSG alimentent le marché des transferts et son désormais corollaire, le monde judiciaire, où les deux clubs continuent à se tirer la bourre et à se croiser. Dans l’énorme dossier sur les transferts du Paris Saint Germain instruit depuis 2005 par le juge Van Ruymbeke, ce dernier a ainsi mis en examen Pierre Frelot. Ancien directeur sportif du PSG, le bon Frelot est passé de l’autre côté de la barrière en mai 2004, devenant agent de joueurs. Chanceux, le bougre a récupéré le « portefeuille de joueurs » d’un des plus grands agents français, l’immense Pape Diouf, qui choisit à l’époque de faire le chemin inverse ; devenant directeur sportif de l’OM, avant d’en prendre la présidence en 2005.
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Pape Diouf
© Kerleroux
Ne craignant pas la suspicion, le bon Pape aux légendaires envolées métaphysiques, a, dès son arrivée à la Commanderie, largement puisé dans son ancien vivier de joueurs ; il vend ainsi le joyau de l’OM Didier Drogba en juillet 2004, bijou dont il était encore l’agent deux mois plus tôt. Et à un prix défiant toute concurrence : l’attaquant olympien a été transféré 33 millions d’euros au club anglais de Chelsea, quand il n’avait été acheté que 6 par Marseille. Un joli coup commercial qui a saigné le cœur des supporters marseillais. Ce sombre jour de juillet 2004, les larmes ont coulé comme le pastis, tant Drogba est une idole du côté du stade Vélodrome.
Comme le monde du football est d’une clarté sans pareil, notamment quant au marché des transferts qu’aucune procédure judiciaire n’entâche, les aimables dirigeants du foot européen ont eu une idée de génie.
Depuis la saison 1998-1999, le monde du football connaît des hivers fort doux, en France comme ailleurs. Le niveau et le spectacle des matchs offerts ne s’envole certes pas. C’est plutôt du côté des commissions que se fait sentir l’embellie. De l’argent à la pelle dans la grande machine à cash du foot-business. En effet depuis cet hiver a été instauré un « mercato d’hiver » dans toute l’Europe, du 1er au 31 janvier, en plus du traditionnel mercato d’été. Pour les profanes : un marché des transferts de joueurs en pleine saison. Pour les grands profanes, une foire aux bestiaux où les agents « font » les joueurs et touchent des commissions forts opaques.
Et où les fans se rongent les sangs à l’idée de voir leur joueur préféré quitter le club de son cœur tandis qu’un joueur de qualité moyenne, « une chèvre » pour les spécialistes, le remplace. Bref un moment de grande angoisse pour tout supporter, de gros grisbi pour les agents et de gros tirages pour les journaux spécialisés. Au moins tout le monde s’y retrouve
Véhéments dans leur tristesse, les supporters ont toujours douté de la bonne foi du Pape dans le dossier. Et il ne faut pas plus d’un petit jaune, du Panier à la Pointe Rouge, pour entendre la complainte : « Diouf a vendu Drogba et s’est sucré en commissions au passage ; qui peut imaginer qu’il a laissé passer le plus gros transfert de sa carrière ». En gros qu’il s’est servi de son poste à Marseille pour toucher un dernier gros lot comme agent. Ses liens avec Frelot ont quand même valu à Diouf une perquisition de son domicile et de son bureau, en mars 2005 de la part du juge Van Ruymbeke, qui s’intéresse depuis fin 2006 tout particulièrement au transfert de Drogba. Un joli fax a notamment éveillé sa curiosité.
La missive porte la signature de Pape Diouf, l’en-tête de Mondial promotion – sa société d’agents de joueurs –, est adressée à Pierre Frelot et datée du 14 mai 2004, soit juste avant que chacun ne change de casquette. Et le texte y a justement trait, ainsi qu’au transfert de Didier Drogba, qui selon la version officielle des dirigeants marseillais, n’a été envisagé que deux mois plus tard, à la mi-juillet 2004, dans la précipitation… et au grand dam tant des supporters que de Drogba lui-même. Pour céder son portefeuille de joueurs, Diouf, s’il est bien l’auteur de ce fax, pose ses conditions. « La cession de Mondial promotion ne pourra se faire qu’à l’unique condition que mon collaborateur, M. Thierno Seydi, reste en charge des dossiers dont il s’occupe, dont le dossier Drogba ».
Parole à la défense
Questionné sur cet éloquent fax lors de son audition le 29 novembre 2006, Frelot n’a pas hésité une seconde, « c’est un faux tant sur le fond que sur la forme », avant de réciter une leçon magistrale. « Première différence visible (…) la police de caractère », différente d’autres fax émis par Mondial promotion que l’ami Pierre présente au juge. Un peu léger et surtout étrange, d’autant que ces fax ne lui sont pas adressés… « Deuxièmement, ne figure pas le numéro du fax » auquel le document lui aurait été adressé. Un argument ayant un peu plus de poids mais fragilisée par la suite de l’argumentaire.
« Le transfert de Dorgba n’est pas du tout d’actualité le 14 mai 2004 » puisque « José Mourinho,le nouvel entraîneur de Chelsea a été nommé le 1er juin 2004 ». Certes, mais dans le petit milieu du football, les entraîneurs transmettent toujours leurs souhaits de recrutement. L’info a circulé dans les journaux anglais dès le 27 mai 2004. Le malheureux Frelot se contredit aussi quelque peu. « En ce qui concerne Mr Seydi (…) il n’est pas resté contrairement à ce qui est indiqué, en charge des dossiers dont il s’occupe », déclare-t-il au juge le 29 novembre 2006. Or, en avril et toujours devant le juge, il a bien décrit que « Seydi et moi-même avons négociés et sommes allés à Chelsea pour discuter de la rémunération du joueur et de la commission de XL Sports », qui en passant s’élèvera à 700 000 livres sterling. Et de façon assez audacieuse, Pierre Frelot joint lors de ses interrogatoires, les comptes de XL Sport depuis sa création le 16/7/04 et dont le début d’activité est signifié au tribunal du commerce de Nanterre au 20 juin 2004.
Las, dès le 15 mai 2004, Pape Diouf, dans ses tous frais habits de dirigeant marseillais, mandate l’encore inexistante XL Sport pour recruter l’une des futures tête-de-turc du public marseillais, le « cabri » Habib Bamogo, dont l’agent n’était autre qu’un certain Pape Diouf… Comme le racontent avec gourmandise Jérôme Jessel et Patrick Mendelewitsch dans La face cachée du foot business : « En rémunération de sa délicate mission XL Sport percevra 383 000 euros HT »… Autant d’éléments qui jettent un léger voile sur la transparence des relations Diouf Frelot
Sympa, le Pape recase son poulain. La suite risque de serrer le cœur et libérer les gorges des virages marseillais. « La commission liée à son transfert que nous préparons vers l’Angleterre devra également être prise en compte et payée à concurrence de minimum 40% sur le compte en Afrique qui te sera indiqué lors de l’opération ». Mieux, « le club acheteur devra avaliser cette transaction sous peine de voir l’OM refuser tout transfert de Didier Drogba ». Une phrase à fendre le cœur des amoureux de l’OM… Habile, l’infaillible Pape suggère également « qu’une clause de confidentialité devra être prévue pour éviter toute suite, tant au sein de la fédération qu’à l’OM, où je viens de prendre mes fonctions ».
Les dénégations de Frelot, évoquant un faux, n’ont semble-t-il pas complètement convaincu l’instruction, qui a versé le fax au dossier. Une décision qui prélude à un avis de grand mistral sur Marseille…
source:
http://www.bakchich....rticle2267.html
Clyde: elle dort et elle se leve tot. - Printemps 2003