Une école derrière Kambo, sans-papiers
A Paris, enseignants et parents mobilisés contre l'expulsion de la famille de l'enfant de 5 ans.
par Dominique SIMONNOT
QUOTIDIEN : lundi 08 mai 2006
Des ballons qui s'envolent. Des parents, des enfants, des instituteurs, rassemblés jeudi devant l'école maternelle du 111, avenue Parmentier, à Paris (XIe), qui réclament la régularisation des parents de Kambo, 5 ans et demi... Une image désormais presque habituelle. Quelle école, quel lycée n'a pas son sans-papiers à défendre ? Avec des parents, des enfants, des enseignants mobilisés après avoir découvert, effrayés, les exigences brutales du ministère de l'Intérieur. «Cela semble invraisemblable ! Des gens qui sont là depuis vingt ans !» s'exaspère un père. Ici, un petit autocollant dit tout, ou presque : «Maman, il faut que Kambo reste à la France». Là, le slogan clamé le long de l'avenue : «Des papiers pour les Diabaté !»
«Super gosse». Victor Ruiz-Huidobro est le maître de Kambo depuis septembre, en grande section : «C'est un gosse super, son père aussi. C'est vraiment... vraiment dégueulasse de vouloir les mettre dehors !» Tenant son fils Kambo par la main, Abdulaye Diabaté raconte des bribes de son histoire. Il est, avec Mariam, sa femme, en France depuis 1987. Kambo est né en 2000, Fatou en 2003. Pour travailler, il a dû utiliser de faux papiers. Voilà pourquoi la régularisation lui est refusée depuis 1999. «Cet acte, nous aurions pu, nous aussi, le commettre, si nous avions été dans une situation comparable», ont écrit au préfet de police Pierre Mutz, les parents, au nom de la Fédération des conseils de parents d'élèves(FCPE), et les enseignants de Réseau éducation sans frontières (RESF). Ils disent aussi : «Abdulaye Diabaté est un homme digne de confiance, attentif aux autres, très soucieux de la vie de l'école et du suivi scolaire de ses enfants.»
Le 9 mai, Abdulaye Diabaté doit se rendre à la préfecture «pour examen de situation». Formule sibylline, souvent prélude à l'avion de rapatriement. «Nous serons beaucoup à les y accompagner et à les attendre dehors», assure Emmanuelle Passerieux-Gibert, membre de la FCPE.
Parrainages. Dans le comité de soutien, on trouve les acteurs Mathieu Amalric et Jeanne Balibar, dont les enfants vont à l'école avec Kambo. «C'est terrible de découvrir que, dans l'école de mes enfants, il y a ce monsieur, ce petit, qu'on connaît, et qu'ils risquent d'être expulsés», dit l'acteur. «Ce n'est pas la première fois que nous sommes obligés de manifester contre une politique qui nous scandalise et s'aggrave chaque jour», reprend Jeanne Balibar. La directrice de l'école, Françoise Grellier, se tourmente : «Je ne comprends pas qu'une famille aussi intégrée soit mise dans de telles difficultés.»
Une dizaine d'élus parisiens sont venus les soutenir. Dont Mylène Stambouli (Verts), maire adjointe, et Jacques Daguenet, conseiller municipal PCF, qui annonce : «En juin, nous envisageons une cérémonie de parrainages républicains pour treize enfants et leurs parents à la mairie du XIe.» Comme dans le XIXe, le 6 mai. Comme dans le XXe, il y a deux mois et dans quelques jours à nouveau. Comme un peu partout en France.