Ceux qui n'ont pas le pouvoir.
Immigration: Sarkozy refoulé
Ses derniers propos extrêmes et son projet de loi sur l'immigration choisie provoquent de nombreuses réactions, de la part du monde politique et de l'Eglise.
par Fabrice TASSEL
LIBERATION.FR : lundi 24 avril 2006 - 17:57
Le débat sur le projet de loi sur l'immigration et l'intégration, qui sera examinée à l'Assemblée nationale à partir du 2 mai, vient de se durcir brutalement. Les propos de Nicolas Sarkozy, samedi devant les nouveaux adhérents de l'UMP, à Paris, ont provoqué une salve de réactions. Tandis que L'Eglise poursuit son offensive entamée la semaine dernière, lorsqu'elle avait demandé au ministre de l'Intérieur un assouplissement de son projet.
Un projet loi «utilitariste»
Ce lundi matin, une cinquantaine d'associations tutétiennes, dont la Cimade (association d'aide aux étrangers), le Comité catholique contre la Faim et pour le Développement, se sont réunies au siège du Secours catholique pour lancer un appel contre cette loi. Comme ces derniers jours, les critiques à l'encontre du gouvernement en général, et de Sarkozy en particulier, ont été sévères: «Nous aimerions que des hommes d'Etat responsables nous expliquent qu'avant d'être hexagonal, le problème de l'immigration est d'abord international. (…) En privilégiant une immigration choisie vis-à-vis d'une immigration subie contre laquelle il faudrait lutter, se profile un recul des droits liés au respect de la vie familiale et à l'accueil des demandeurs d'asile», a notamment lancé Jean-Pierre Richer, le président du Secours catholique, qui a aussi dénoncé «la perspective utilitariste» du projet de loi.
Dans ses grandes lignes, ce texte entend favoriser l'intégration d'une immigration choisie selon son utilité économique, et restreindre, à l'inverse, l'immigration fondée sur le regroupement familial.
«Xénophobie»
Samedi, Nicolas Sarkozy a musclé son discours sur le sujet, en lançant, devant 2500 nouveaux adhérents de l'UMP, que «si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter». Un slogan copié, selon Philippe de Villiers, le président du Mouvement pour la France (MPF), sur son propre mot d'ordre: «La France, tu l'aimes ou tu la quittes». Jean-Marie Le Pen, lui aussi, n'a pas tardé à ironiser sur le président de l'UMP lorgnant ses terres électorales. La gauche s'est également vite positionnée: «Aujourd'hui, c'est de Villiers qui donne le ton, le la, et c'est Sarkozy qui joue les fanfarons, qui répète le discours de la droite extrême», a lancé François Hollande, le premier secrétaire du PS, devant le Mouvement des jeunesses socialistes qui avait organisé un meeting samedi soir. «Xénophobie», a renchéri lundi matin Claude Bartolone, bras droit de Laurent Fabius. Selon ce dernier, «la proposition du CPE et celle de l'immigration choisie suivent un même fil rouge: la précarité». «Ce que le gouvernement a voulu faire avec les jeunes, il cherche désormais à l'imposer aux étrangers: moins de droits et plus d'insécurité, avec, au total, un même risque de pagaille», a ajouté le député de Seine-Maritime.
Concurrence dans le triangle Sarkozy-Le Pen-De Villiers, montée en puissance de la gauche: après le conflit sur le CPE, avant celui sur la prévention de la délinquance, fin mai, les débats sur l'immigration semblent promettre une opposition frontale.