Citation
Par Eric Thomas
Président de l'AFFA
LE PLUS. C'est le feuilleton de l'été du football français. Luzenac, petit village de l'Ariège, s'est vu refuser son accession en L2 par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) et la Ligue de football professionnel (LFP). Une affaire révélatrice du mode de fonctionnement des instances dirigeantes du foot, selon Éric Thomas, président de l'association française du football amateur (AFFA).
FOOTBALL. Les lumières de la Coupe du monde brésilienne sont à peine éteintes que déjà nos championnats professionnels et amateurs reprennent. Le feuilleton de l’été, ce sont bien sûr les aventures kafkaïennes du club de Luzenac, nouveau "sans championnat fixe" du football français.
Chaque épisode nous apporte son lot de rebondissements à tous les étages du football et de l’administration : Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Fédération française de football (FFF), Ligue de football professionnel (LFP), Ligue de football amateur (LFA), Tribunal administratif... Depuis des semaines, chaque instance juge et déjuge à tour de bras.
Rocambolesque et révélateur.
Dans cette décision, l’intérêt du foot semble bien loin
Luzenac est un petit village de l’Ariège de 550 habitants, situé à 34 km de Foix et 120 km de Toulouse ; c’est également un club amateur de football qui compte 250 licenciés dans un département qui en dénombre environ 4.000.
C’est sur les terrains de football que le Luzenac Ariège Pyrénées (LAP) a façonné sa renommée en obtenant sa montée sportive en Ligue 2, lors de la saison 2013/2014, pourtant refusée par les instances du football. Cette accession a été interdite par la DNCG le 5 juin, puis par la commission d’appel de cette instance le 3 juillet, sur des considérations budgétaires. Le club ariégeois a fait appel à une conciliation du CNOSF, le 10 juillet.
Devant l’avis défavorable émis par la commission de conciliation du CNOSF, le club a saisi le Tribunal administratif de Toulouse, le 30 juillet, pour confirmer son accession en Ligue 2.
Le club croyait avoir enfin obtenu gain de cause avec la décision du Tribunal, qui "demandait la réintroduction du Luzenac Ariège Pyrénées sous huit jours" dans le championnat de Ligue 2. D’autant plus que le 7 août, la commission supérieure d’appel de la DNCG se conforte à la décision du tribunal et valide l’accession en Ligue 2.
Coup de théâtre le 8 août, le conseil d’administration de la LFP décide à l’unanimité de ses 24 membres de refuser l’accession en Ligue 2 du LAP car "ce club ne dispose pas d’un stade répondant aux normes réglementaires de sécurité".
Pourtant, le terrain d’accueil de Luzenac (le stade Ernest-Wallon à Toulouse) a déjà reçu deux matchs de l’équipe de France Espoirs la saison dernière et satisfait aux normes de l’UEFA ! Dès lors l’intérêt du football semble bien loin...
Les clubs souffrent de règlements anachroniques
Le rôle de nos hauts dignitaires n’est-il pas de rendre possible l’accession de Luzenac, plutôt que de tout faire pour l’empêcher ? N’est-il pas de conseiller les bénévoles, d’encourager les projets, d’irriguer les clubs pour que "poussent" les jeunes footballeurs, au lieu de puiser inlassablement dans les maigres ressources de nos clubs amateurs ?
Enfin, le rôle de la FFF n’est-il pas d’accorder la même attention à ses "petits clubs" qu’à ses "grandes équipes" et d’arrêter d’être "fort avec les faibles et faible avec les forts" ?
Des clubs ont joué des années durant en L1 et L2 avec des stades hors normes grâce à des dérogations à répétition. Pourquoi pas Luzenac ?
Ne pourrait-on pas permettre une montée, avec un projet d’amélioration de l’accueil et de la sécurité co-écrit entre les instances, les collectivités locales et le club, avec pourquoi pas des conditions transitoires fixées dès la fin du championnat ? En tout cas, il faut sortir de cette complexité, établir des règles raisonnables et respectueuses du travail d’un club et de ses partenaires.
Luzenac fait désormais partie des belles histoires du football français, comme hier Guingamp, Sochaux ou Auxerre, qui ont pu accéder à l’élite du foot pro. Malgré leur taille modeste, ces villes ont même réussi à exister sur la scène européenne.
Cette époque semble révolue. Notre football des villages se meurt, comme en témoignent les 3.000 clubs amateurs qui ont cessé toute activité depuis deux ans, étouffés par des règlements anachroniques et des amendes abusives.
Nous sommes tous des Luzenaciens
L’histoire de Luzenac serait juste aberrante et triste si elle était unique. Or, des Luzenac, le foot français en produit des dizaines dans les championnats amateurs.
En effet, chaque année des équipes sont l’objet de tracas récurrents pour un vestiaire trop petit, un terrain pas assez ceci ou trop cela… Bref, des lourdeurs administratives décourageantes pour nos bénévoles. Tout ceci dans un contexte de crise économique et de raréfaction de l’argent public.
Pour que les décisions soient respectées, encore faut-il qu’elles soient respectables : les mêmes pour tous, partout, à Luzenac aujourd’hui ou à Chambly et au Poiré-sur-Vie demain.
Demandez au président de l’Association du Sporting Langevin ce qu’il pense des pratiques de la Ligue de la Réunion. Interrogez l’éducateur de l’équipe féminine de 2e division départementale de l’AS Parmelan-Villaz sur son combat pour développer le foot féminin dans le district de Haute-Savoie…
Plus que jamais, le football français a besoin d’un fonctionnement simplifié avec une fédération proche de ses clubs, transparente et juste dans ses décisions. Mais par-dessus tout, le football français a un besoin vital de démocratie, avec la même considération pour la représentativité de tous les clubs, amateurs comme professionnels.
Car nous sommes tous des Luzenaciens.
source
Eric Thomas a tenté de briguer par 2 fois la présidence de la FFF. Ce qui place un peu le bonhomme dans ses attaques contre les institutions du football français.