Pour rappel, les documents insérés sont publiquement consultables au greffe du tribunal de commerce de Montbéliard.
Vous vous souvenez probablement que quand PSA a décidé de vendre le FCSM en mai 2014, ils s'étaient prioritairement appuyé sur le coût que représentait le club pour leurs finances afin de légitimer cette vente. Ils avaient avancé un chiffre de 17 millions de déficit sur l'exercice, à cause de la descente en Ligue 2. Personnellement, j'étais limite tombé à la renverse à l'énonciation de ce chiffre. Ca me paraissait absolument sidérant, totalement hors de proportion. On sait que notre déficit structurel tourne entre 6 et 7 millions, comblé par les transferts de nos joueurs les plus bankables. Ca donnait des exercices plus ou moins à l'équilibre selon les années, Peugeot devant parfois jouer le rôle de banquier (et non pas de mécène) pour assurer l'équilibre en se portant garant ou en avançant de l'argent au 30 juin si les transferts destinés à équilibrer le budget n'étaient pas encore réalisés.
Alors OK, beaucoup de joueurs avaient débarqués en janvier 2014 pour tenter de maintenir le club en Ligue 1 (Pelé et Marange avec faible salaire, Sunzu en transfert, Sinkala et Ayew en prêt) et aucun joueur n'avait été vendu au 30/06, en plus de quoi on peut ajouter quelques résiliations de contrats de joueurs considérés comme non "vendables" tels Doubaï et Traoré. Mais de là à créer un déficit de 17 millions ? 8 ou 9 millions à la rigueur, mais 17 !
Commençons l'explication avec le tableau ci dessous, issu du rapport de gestion annexé aux comptes de l'exercice 2015/2016:
A la lecture de ce tableau, il doit y avoir quelque chose qui vous fait tiquer en plus de l'énorme perte en 2013/2014: la très faible perte en 2014/2015.
En Ligue 1: on passe de deux exercices excédentaires à un exercice ultra déficitaire !
En Ligue 2: on passe d'un exercice légèrement déficitaire à deux exercices très déficitaires (dans la fourchette de notre déficit structurel)
L'explication ? Une "simple manoeuvre comptable" nommée dépréciation d'actifs.
C'est indiqué dans les notes sur le bilan des comptes annuels 2015/2016:
C'est quoi une dépréciation d'actif ?
En théorie comptable, un actif se déprécie, c’est-à-dire perd de la valeur, de façon proportionnelle, tout au long de sa durée d’utilisation. Ca varie de 3 à 30 ans selon qu'il s'agit de matériel, d'installations, de terrains ou encore de constructions. Pour un joueur de football, c'est la durée de son contrat / indemnité de mutation.
Cependant, en cas de perte brutale de la valeur d’un actif (par exemple si du matériel est volé ou si le joueur va être résilié), il existe un moyen comptable et fiscal de diminuer plus rapidement sa valeur voire de la rendre nulle, en constatant ce qu’on appelle une provision pour dépréciation.
Ce principe est normalement subordonné à l’existence d’une perte probable et pas simplement éventuelle.
Lors de la descente en L2, PSA a utilisé cette dépréciation et a considéré que l’ensemble des actifs du club n’avaient probablement plus aucune valeur, que ce soit l’effectif des joueurs (dont Sunzu par exemple) ou tout le reste (voitures, matériel de bureau, installations, bâtiments etc…).
En agissant ainsi, la perte générée par la provision pour dépréciation, représentant une charge, est venue « plomber » le résultat de l’exercice 2013/2014.
Elle a donc fortement gonflé le déficit du dit exercice.
Mécaniquement lors de ou des exercice(s) suivant(s), les provisions pour dépréciation sont reprises générant des produits. Ces régularisations interviennent notamment au moment de la cession des actifs, de la passation de leur dépréciation normale ou simplement par décision de gestion si on considère que ces actifs, en fait, avaient une valeur.
Ainsi, au cours de l’exercice 2014/2015, notre club a repris la grande majorité des dites provisions et gonflé ainsi ces produits quasiment pour le même montant.
Bilan de l'opération, on se retrouve avec 11 775 749 € de provisions pour amortissement et dépréciation d'actifs. Au regard des amortissements pratiqués les deux exercices précédents (environ 1 million), on peut aisément en déduire que la provision pour dépréciation d'actif tourne autour des 10 millions, alourdissant d'autant la perte. Alors ça peut se concevoir pour Doubaï (2 ans de contrat restants) et Traoré (1 an de contrat restant) qui ont quitté le club avec un "petit" chèque et alors qu'ils avaient encore une valeur résiduelle (le coût du transfert n'était pas encore entièrement amorti) mais ça ne va pas au delà des 2 millions.
La différence, c'est donc environ 8 millions.
Et on la retrouve où cette somme ? En recette sur 2014/2015 pour 8 551 279 € dont... 8 166 910 € de... reprise pour provisions
Voilà comment on gonfle un déficit de 8 millions en 2013/2014 afin de justifier et légitimer la vente, pour minorer la perte l'exercice suivant du même montant.
Sans cette "manoeuvre", nous aurions eu en 2013/2014 une perte légèrement supérieure au déficit structurel habituel (comblé d'ordinaire par les transferts avant le 30/06 ou Peugeot dans son rôle de banquier / garant comme exposé plus haut) et non la somme faramineuse de plus de 17 millions mais en contrepartie, on aurait eu une perte de 9 millions en 2014/2015 au lieu d'avoir un exercice quasiment à l'équilibre.
Bravo PSA, ils avaient fait le même "coup" pour fermer Aulnay: une perte de 5.1 milliards qui avaient fait écarquiller les yeux à tout le monde... dont 4.6 milliards de dépréciation d'actifs.
PS: merci à la personne qui m'a aidé à bien comprendre les mécanismes et à les présenter.